On a pris l´habitude, la sale habitude d´enten-dre une maman dont le fils vient d´écoper d´une peine de prison ferme, crier à l´injustice, allant jusqu´à reprocher au juge son impartialité. Saloua Derbouchi et M´henna Ouamara, la présidente et le procureur de l´audience pénale du samedi, à Bir Mourad Raïs (cour d´Alger), ont cru que la maman qui venait de crier sa joie à la suite aux six mois ferme infligés à son rejeton, s´était trompée de...cible. «Ajoutez-lui. C´est peu, madame la présidente», s´écria, le visage radieux, la mère. «Qui êtes-vous Hadja?», demanda, un peu surprise, cette délicieuse Derbouchi. «Je suis sa mère. Qu´il soit maudit. Faites en sorte qu´il ne sorte plus de prison. Je le renie», compléta la vieille femme brune, un fichu multicolore sur une petite tête dont on ne peut percevoir qu´une éclatante dentition blanche. Ouamara fit un signe de la tête, un signe de résignation, et il nous a semblé qu´il venait de regretter de ne pas avoir requis le maximum. Ah! s´il avait vu seulement la tête de la pauvre maman qui n´a eu de cesse, vers les neuf heures du matin, à quelques minutes du début de l´audience et au milieu de gravats dus au chantier de la rénovation de la bâtisse et surtout devant Mahdjoub, le greffier en chef, excité par cette foule incontrôlable, une foule qui aura vu plus d´une soixantaine de jeunes venus soutenir leurs jeunes copains traduits devant Derbouchi pour détention et usage de stups et pour coups et blessures réciproques. Et ces fans, cela fait beaucoup de monde. Les policiers ont dû filtrer l´entrée, rien n´y fit, les resquilleurs avaient réussi à «griller» les jeunes du service d´ordre, vite rappelés à l´ordre par le brigadier venu en renfort remettre de l´ordre à la maison. Et ce même Mahdjoub d´eng...quelques secrétaires et greffiers qui étaient sortis probablement se rafraîchir au café du coin. Le calme est vite revenu. Et profitant de ce calme précaire avant que des avocats hilares, débonnaires, joyeux ne vinrent ajouter des sons gais au chahut, un chahut où l´on entendîmes la pauvre maman se plaindre de son rejeton qui se comporte ignoblement avec elle, celle qui l´a porté neuf mois durant et élevé seule car veuve depuis plus d´une douzaine d´années. «Il me bat. Il casse tout ce qui fonctionne avec le courant électrique. Il m´ôte de l´argent, qu´il dépense dans la drogue, l´alcool et tout et tout», se plaint-elle, les larmes cachées, car ses orbites, ont dû sécher depuis le temps qu´elle pleure sur son sort et probablement sur celui de son fils, un fils qui venait d´être ramassé non pas pour coups et blessures sur ascendants, mais pour avoir commis un vol en compagnie d´un jeune délinquant avec qui il aura partagé la peine de prison de une année dont six mois ferme. «Vous avez dix jours pour interjeter appel», lancera sans trop s´esquinter les méninges, Saloua Derbouchi avant de passer à l´affaire mettant en cause sept jeunes dont six mineurs qui vont comparaître en qualité de témoins. Et ces témoins vont tout tenter pour tirer d´affaire le jeune Abdelouaheb S., 19 ans, contre qui M´henna Ouamara, le procureur, avait requis la peine maximale. Après quoi, le jeune détenu lequel, en entrant, avait vu une trentaine de copains du quartier et surtout son père démonté, son tonton maternel à la mine défaite et ses jeunes cousins venus en force dans la salle d´audience, soutenir celui qui va clamer son innocence: «Ce délit ne fait pas partie de mon éducation. Dans ma famille, aucun ne connaît la justice, même pas un commissariat», avait-il dit, digne, à Derbouchi, énervée par le bruit de coups de marteau -chantier oblige-. Maître Soumiya-Léna Khedar, l´avocate de cet inculpé d´usage de stups, a suivi religieusement les débats menés de main de maître par cette sacrée Saloua Derbouchi, la présidente de la section correctionnelle de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger). Religieusement, car elle a eu à supporter les témoignages de six mineurs, tous accompagnés de leurs parents. D´ailleurs, une maman qui assistait au témoignage de son rejeton, avait mal fait de faire un commentaire à l´adresse de Maître Khedar qui disait à peu près ceci: «Cette juge ne veut pas m´entendre?» -«Quoi, de quoi vous mêlez-vous? Vous étiez avec eux?». L´avocate déclare, tout de go, la guerre à l´absence de preuves et de témoins: «Que s´est-il passé ce jour-là?» Lorsque les policiers sont arrivés, la came était sur le sol à une distance appréciable des jeunes. La relaxe sur le principal et subsidiairement la relaxe au bénéfice du doute. Il est vrai que la charmante Maître Soumiya-Léna Khedar avait survolé les faits en reprenant son client surpris par la descente des policiers qui avaient ramassé tous les jeunes qui se trouvaient à Scala, en train de tuer le temps. «Le fait est que, madame la présidente, les policiers ont fait leur boulot mais ils l´auraient mieux fait s´ils avaient surpris Abdelouaheb, un joint entre les phalanges. Et ce même joint avait été ramassé du sol, pas d´entre les doigts de l´inculpé qui sort à peine de l´adolescence, qui est un primaire, dans les cas de figure», avait articulé l´avocate qui suivait avec beaucoup d´intérêt Ouamara, le procureur, qui n´aime pas tous ceux qui touchent à la drogue. Comme pour mettre O.K. tout ce beau monde, Saloua Derbouchi, la présidente, annonce la mise en examen du dossier, sous huitaine, car elle a vraisemblablement besoin de recul pour prendre sa décision. Tant mieux. Rendez-vous le 12 avril.