D´emblée, maître Messaoud Chérif, l´avocat de Allilou R., 21 ans, détenu poursuivi pour violation de domicile et coups et blessures volontaires, se précipite chez Gaïd, la présidente de la section correctionnelle d´El Harrach (cour d´Alger) et lui tend le phone de Allilou qu´avait demandé la juge. «Voilà, madame la présidente, les SMS où on peut lire le dernier qui laisse ressortir une prière à l´égyptienne: "Ha n´mout laou mat guich" (je vais mourir si tu ne viens pas). C´est un SMS de 22heures 24.» Celui de minuit contient une menace de suicide. La présidente revient vers Allilou, l´inculpé, qui va raconter, qu´aux environs d´une heure et demie du matin, F.M. 17 ans, lui avait ouvert la porte du domicile familial. Et la juge d´éclater: «L´inculpé, vous êtes entré dans un domicile qui n´est pas celui de la mineure.» «Je voulais seulement la calmer, la raisonner. Malheureusement son papa avait surgi. Il m´a sauté dessus. Nous avons chuté et nous nous sommes battus à même le sol jusqu´à l´arrivée du reste de la famille dont certains m´ont roué de coups, ligoté avec du fil de fer et une pince jusqu´à l´arrivée de la police», dit calmement Allilou. «Vous avez donc agressé le père?» demande Gaïd «Non, il y a eu un échange de coups», rétorque sans peur apparente, cette fois, le jeune. Interrogée, la mineure F.M. dit ne pas posséder de portable et que les SMS n´étaient pas les siens. Elle reconnaîtra, cependant, avoir ouvert la porte à Allilou. Et Maître Chérif de sauter sur l´aubaine: «Madame la présidente, elle prétend ne pas connaître mon client Ali. Comment se fait-il qu´elle le nomme Allilou alors que seuls les intimes l´appelle ainsi?» La juge sourit et passe au papa. Ce dernier va reconnaître la rixe en ajoutant, photos à l´appui, les coups et blessures. Là aussi, Maître Chérif saute au cou de l´argument: «Mon client aussi avait déclaré des blessures, mais le magistrat instructeur s´était opposé à son envoi devant un toubib.» La juge ne sourit plus. Barkahoum Messaoudi, la procureure de l´audience, non plus... Le père préfère laisser le soin à Maître Kabour son avocat, plaider la cause. Lentement, le conseil parle de honte que cette violation de domicile et de scandaleux que ces coups et blessures. «Vous avez devant vous un dangereux amoureux fou qui n´a pas hésité à user de menaces de force pour entrer chez des gens et tenter de semer le déshonneur», dit entre les dents Maître Mohamed Kabour, qui aura, plus tard, à intervenir discrètement auprès de Gaïd, la présidente pour qu´elle intervienne en sa qualité de responsable de la police de l´audience en protégeant la victime que Maître Chérif va descendre en flammes en lançant, tout d´abord, un vibrant hommage au tribunal qui a permis des débats clairs, transparents et éviter le huis clos permettant ainsi à l´assistance de mieux saisir la vérité autour de ce dossier où l´inculpé n´est pas celui que l´on poursuit. Ensuite, l´avocat va, là aussi, tirer à vue sur la victime: «Elle l´attendait derrière la porte à une heure et demie du matin après l´avoir supplié par SMS de venir la voir, la rassurer, la cajoler.» Puis entrant dans le dossier, l´avocat parlera de l´arrivée du papa qui a alors vu sa fille courir dans sa direction et crier: «Je n´ai rien fait de mal papa. Arrête, je t´en prie.» Et Maître Chérif de renchérir: «Jusqu´à preuve du contraire, c´est le papa qui a attaqué Allilou qui a soudain pris peur, et cherchant surtout à détaler qu´à faire autre chose». A cet instant, tout était noir pour Allilou à qui on doit des excuses pour le kidnapping momentané effectué par la famille du détenu. Et Maître Chérif d´asséner: «Le tribunal a dû apprécier. Mon cher ami et confrère n´a pas pris de gants pour protéger la victime qui a, certes, un statut particulier, mais admettons en fin de compte que si elle n´avait pas ouvert la porte à mon client, on n´en serait pas là», a dit le défenseur qui a réclamé de larges circonstances atténuantes pour ce jeune amoureux qui n´a, en fin de compte, répondu pas à une mais à plusieurs prières pour un rendez-vous chez ses parents: «Et croyez-moi, madame la présidente, j´ai grondé Allilou qui n´aurait jamais dû faire ce qu´il a fait. Et je rends hommage au destin qui a aussi fait que le papa n´ait pas atteint le crime...» Auparavant, Messaoudi avait requis un an de prison ferme. Sur le siège, Gaïd inflige une peine de prison de six mois assortis du sursis, ce qui ne l´empêchera pas de passer un savon à Allilou qui n´a même pas compris le verdict et son jargon tout comme la maman. Le père de F.M., lui, jure de tuer Allilou, mais ici, c´est une réaction légitime, même si elle est ridicule d´un papa qui s´est senti un peu et même trop humilié!