La création de ce poste ministériel a coïncidé avec une mise en garde du Cnes sur le sujet. Le nouvel Exécutif Ouyahia compte dans ses rangs un ministre délégué auprès du ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, chargé de la ville. Il s'appelle, Badredine Benziouèche, il est architecte-urbaniste et va s'occuper exclusivement de la gestion des immenses problèmes urbanistiques que connaissent la plupart des grands centres urbains algériens. Et pour une fois, la création d'une instance ministérielle coïncide avec un rapport pour ne pas dire un cri d'alarme sur la question, lancée par le Conseil national économique et social (Cnes), un organisme théoriquement indépendant de surveillance, d'études et de contrôle de la politique économique et sociale du gouvernement. Dans le cas d'espèce qui nous concerne, il faut dire que la situation n'est guère reluisante. Toutes les villes du pays, à commencer par la capitale, se débattent depuis des années dans des situations d'anarchie indescriptibles. Constructions sauvages, illicites et en dehors de tout aménagement ou plan urbaniste, transports saturés et insuffisants, prolifération de commerces anarchiques, multiplication de sites et de décharges domestiques et industriels, pollution atmosphérique et du milieu urbain, dégradation et disparition des espaces verts, etc., sont venus se greffer à d'autres fléaux encore plus dramatiques : crise du logement, pénurie d'eau, chômage, banditisme, criminalité et insécurité de droit commun en net accroissement. Certes, les pouvoirs publics tentent, tant bien que mal, de trouver des solutions à tous ces problèmes par une augmentation des ressources dans les budgets des départements chargés de ces dossiers dans les autres ministères (Intérieur, Environnement, Transport). Néanmoins, malgré une présence policière et sécuritaire accrue ces dernières années sur le terrain, des ébauches de création de corps spécialisés dans le domaine comme celui de la police de l'urbanisme, jamais les rues et l'espace dans les grandes villes algériennes n'ont paru aussi clochardisés et peu sûrs pour les résidents. Tout cela est le résultat de l'absence d'une politique de l'urbanisme de la part des pouvoirs publics. D'où l'appel urgent pour ne pas dire la mise en garde que vient de lancer le Cnes à l'occasion de sa 22e session qui se tient depuis hier, pour la mise en route, dès à présent, d'une politique audacieuse et souple de l'aménagement du territoire et la mise en oeuvre d'une stratégie d'urbanisation rigoureuse s'imposant à tous. En effet dans un rapport intitulé «L'urbanisation et les risques naturels et industriels en Algérie: inquiétudes actuelles et futures», l'organisme de M.Mohamed Salah Mentouri averti que «le mouvement d'urbanisation tel qu'il est engagé et développé est et sera source de risques multiformes et facteur d'amplification considérable lors de la survenue d'aléas naturels ou industriels». Le document cite, entre autres, les dangers émanant des sites où se situent des constructions sur des gazoducs, sur des terrains glissants ou dangereux ou près d'usines et qui seront, selon le Cnes, «tôt ou tard l'épicentre de graves dangers». A titre d'exemple sont cités les habitations construites sur des gazoducs : 778 à Béjaïa, 516 à Batna, 480 à Tébessa, 466 à Alger et 269 à Laghouat, ou encore le stockage de 2000 tonnes de produits pesticides périmés destinés à la lutte antiacridienne répartis sur 500 sites, l'entreposage et l'abandon sur une multitude de sites, de transformateurs hors service contenant des huiles dangereuses et le trou d'Ouargla qui est un ancien puits de pétrole dont on ne connaît pas, à ce jour, les impacts sur la ville. Que pourra faire le tout nouveau ministre délégué chargé de la ville pour faire face à tous ces problèmes et prévenir les autres risques potentiels ou éventuels? Seul un travail sérieux, institutionnalisé, doté de moyens appropriés et sans aucune interférence ou «parasitage» pourrait lui permettre de redonner un aspect acceptable au tissu urbain du pays.