La période du Ramadhan est propice pour le visionnage d´émissions agréables et susceptibles de détendre l´atmosphère à un citoyen dont l´esprit est embrumé par une ingestion rapide d´une chorba brûlante et par une journée passée à se ruiner sur les étals d´un marché tentateur. Il ne faut pas s´attendre à ce que notre «Unique» prétende relever le défi en nous jetant dans notre assiette tous les «sketches-chorba» rapidement ficelés par des sociétés privées ou par la machine lourde de l´Entv. Il n´y a pas que le déficit de la création ni l´absence de crédits suffisants pour expliquer la morne qualité des programmes. La censure y est pour beaucoup. Il faut, et les longues veillées du Ramadhan peuvent se prêter à cet exercice, zapper les chaînes multiples que les providentiels satellites déversent sur nos têtes frustrées. Il est loisible de constater qu´ailleurs, sous d´autres cieux, fleurissent des talents dont l´esprit critique, l´audace, la pertinence poussée jusqu´à l´insolence, favorisent l´adhésion de spectateurs. Les plateaux de télé sont animés par des journalistes cultivés dont le ton humoristique et sarcastique accueille tous les jours des invités de tout genre (écrivains, artistes, hommes politiques). C´est une occasion pour lancer un produit (livre, film, CD...) et pour passer en revue l´actualité politique, économique et sociale. Les animateurs rivalisent d´audace pour conserver leur public et améliorer leur audimat grâce à une liberté d´expression qui n´a d´égale que le développement du pays. Ainsi Jon Stewart, sur une chaîne privée américaine, ne se prive pas de ridiculiser George Bush en faisant des montages astucieux des déclarations d´un président réputé comme étant un gaffeur et les commentaires piquants du commentateur. Il est vrai que la dégringolade du président américain dans les sondages se prête beaucoup à cet exercice. En France, deux émissions- phares captent l´attention d´un large éventail d´un public émoustillé par les extravagances et les audaces des chroniqueurs. La première, qui dure depuis plus de vingt ans et qui rencontre toujours un vif succès, est sans conteste Les Guignols, spectacle de marionnettes unique où tous les principaux personnages du landerneau politique français sont croqués avec humour. Les acteurs étrangers n´échappent pas à la parodie incisive des dialoguistes quand la situation internationale s´y prête. Ainsi l´agressivité de la soldatesque américaine a pendant longtemps été dénoncée par la performance bête et cynique d´une marionnette qui ressemble comme deux gouttes de la même eau à un Sylvester Stallone dans la peau d´un Rambo. Les présidents de la République, un Chirac en dilettante ou un Sarkozy en «bling - bling», se partagent la vedette. Les ministres n´échappent pas à la critique. Celui qui a un goût prononcé pour l´apéritif, s´en donne à coeur joie sur le plateau...Mais l´émission, qui se permet toutes les extravagances et qui atteint souvent les limites tracées par le bon goût et la bienséance, c´est Le Groland de Jules Edouard Moustic. Un pays fictif qui existe quelque part et dont les gouvernements, tout comme les problèmes ressemblent à ceux de la France et sont exposés dans un délire et un style hilarant. Personne ne coupe au commentaire au vitriol du chroniqueur! Jusqu´à présent, ces émissions n´ont présenté aucun danger pour le pouvoir et l´ordre public français. Et personne ne s´en plaint!