Il n´y a rien de plus ennuyeux que de suivre le procès d´une dizaine d´amateurs de drogue sans... L´affaire des trois kg cinq cents de drogue, qui a vu huit inculpés de trafic de drogue, a été examinée par Sihem Bechiri, la présidente de la section correctionnelle de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger). L´inculpé principal affirme être un grand fumeur, ce qui explique les trois cents grammes trouvés sur lui: «La came m´appartient. J´en use et abuse. Je ne suis pas un dealer», clame-t-il, d´emblée. «Et pourquoi m´a-t-on flanqué une raclée malgré mes aveux? on a voulu faire de moi un requin alors que je ne suis qu´un ide, un petit poisson rouge hors du bocal lorsque je "plane". Je suis bien dans ce cas.» Il est sûr de lui. Il gesticule mais reste poli face au tribunal. La juge écoute un à un les inculpés dont certains des consommateurs, des amateurs de cannabis ont vite regretté leur statut. De pauvres hères, décidément qui s´expriment comme s´ils étaient au pied d´un mur d´une maison abandonnée, planant, planant...Les avocats et notamment Maître Chérifa Amel Mana suivent. Certains prennent des notes, d´autres attendent le moment favorable pour passer à l´attaque et prendre d´assaut des déclarations contradictoires, et il y en avait ce genre de déclaration! Le seul inculpé qui ne prononcera aucun mot est le...fugitif. Dans le chapitre des questions, le collectif d´avocats, Maîtres Daoud, Hassiba, Mériem Benouis, Amine, Saâdoum, a tenté de prouver que les sept ne se connaissaient par les uns, les autres. Seuls deux détenus sont des habitués des «mahchachates», car ce sont deux enfants d´un même quartier. Huit inculpés de trafic de drogue sont appelés à la barre à midi cinquante: Khaled B, Ougacha R., Boudissa, Abderrazak K. Manque à l´appel Karim Ougari à qui Ougacha aurait cédé un kg de came. Un détenu n´est pas assisté d´un conseil. Le reste a, à ses côtés, Maîtres Amine, Saâdoum Chérif, Kheyouk, Hassiba Sekak, Mériem Benouis et Chérifa Amel Mana. La présidente jette un oeil sur Akila Bouacha, qui occupe le siège du ministère public. Et lorsque Sihem Bechiri jette un oeil, c´est qu´elle est disposée à écouter toutes les parties en toute sérénité et rigueur. Deux graves inculpations planent au-dessus des têtes des détenus: association de malfaiteurs et commercialisation, détention et usage de stups. Le premier détenu à être entendu proteste poliment: «Je sniffe, j´achète de bonnes quantités pour mon usage personnel, mais je ne revends pas de drogue», explique-t-il avec une articulation des mots impressionnants. Le reste des inculpés vont laisser le soin à leurs avocats de faire et de dire l´essentiel face à une présidente pas du tout tolérante lorsqu´on écorche les us et coutumes des juridictions. Elle s´en tient à tout ce qui va en droite ligne avec le dossier. Amateurs de débordements, de passion de brouillon, de «collisions» abstenez-vous! Et pourtant, malgré toutes ces précautions, des glissades, des errements, des couacs, des ratages aussi ont eu lieu. Surtout lorsque trois des inculpés ont évoqué les pressions et les maltraitances vécues chez nos amis policiers chargés de l´enquête: «O.K, je suis un trafiquant. Je le suppose évidemment. Pourquoi accompagne-t-on l´interro de...coups et blessures?», s´est offusqué l´un des détenus qui aura l´occasion de balancer que c´est un frais marié et que s´il a décidé de se ranger, ce n´est pas pour plonger dans les nuages et l´obscurité. Un grand moment d´émotion pour Bechiri qui refuse de prendre pour argent comptant...ces dires! Et pourtant... lors des plaidoiries, on sera édifié! Maître Mana se dit atterrée par les quinze ans de prison ferme demandés à l´encontre d´un inculpé sur lequel on n´a rien trouvé. Il a été entendu sur la base de détention de drogue. «Le voilà traîné pour commercialisation, alors que devant la police judiciaire et le juge d´instruction, il a tout nié et qu´à aucun moment, informé qu´il a été poursuivi de commercialisation de came», a dit l´avocat qui a soulevé l´article 12 et même le 13 et le 17, ce qui donnera plus tard un verdict assommant allant de dix ans pour le fuyard, cinq ans et un ferme! Un seul relaxé, en rappelant qu´il avait été arrêté seul. Il n´avait avec lui personne: ni fumeur ni client. Elle soupçonne même un mauvais stratagème mis en place à l´encontre de son client innocent qui ne mérite rien puisque le parquet n´a étalé aucune preuve dans cette affaire qui voit un jeune de 25 ans en danger d´incarcération pour une durée de quinze ans. Une peine qui va à contre-sens des qualités de l´inculpé qui a un travail, qui pratique du sport (elle tend une pétition à Béchiri qui ne bronche pas). «Nous avons des déclarations faites par un inculpé qui venait d´être "caressé" par des policiers mis à l´index par les défenseurs.» Les autres avocats, et ils étaient nombreux, ont, eux aussi, protesté devant l´absence de preuves enfonçantes et assommantes, devant l´absence aussi du délit d´association de malfaiteurs, encore moins d´usage, de détention et de commercialisation, ce grave délit qui a voulu que les sept inculpés aient passé quinze nuits dans les affreux «Quatre ha» et quatre jours de garde à vue. Seule la relaxe peut abattre ce délit de commercialisation qui n´existe pas. Certes, il y a eu trois cents grammes par-ci, deux cents par-là, quatre cents ailleurs, mais ces gens-là ne se connaissent pas. Même la quantité saisie n´a jamais été précisée. Ce qui a été retenu durant l´enquête, c´est association de malfaiteurs et le trafic de drogue.