Les services de sécurité et les magistrats s´échinent à combattre le trafic de drogue, les vagues géantes traversent toujours les mailles et la came court toujours... Le premier détenu pour commercialisation de drogue dit de suite à Nadia Mamèche, la juge, qu´il avait acquis les cinquante grammes de came à Bab Dzaïr à Blida, un quartier où l´on trouve de tout, et lorsqu´on dit tout, c´est un peu trop de tout... Mamèche va droit au but: «Attention, vous venez d´emprunter un chemin plein d´épines. Devant le procureur vous aviez désigné Khedib L. comme étant le fournisseur. Que s´est-il passé entre-temps? Ce sont les effets de la détention?», tonne la magistrate visiblement désarçonnée par cette réponse. Le détenu sort un truc: «Ce sont les policiers qui m´ont soufflé le nom. Que voulez-vous que je vous dise de plus?», répond l´inculpé. «Ah! bon? Et devant le procureur, ce sont toujours les policiers qui vous ont forcé à prononcer ce nom de Kedib?», reprend la juge qui va alors s´adresser à Kedib le deuxième inculpé, debout à la droite de celui qu´il l´a dénoncé. Le troisième inculpé, lui, regarde les deux autres codétenus avec beaucoup d´appréhension. Djamel Chérifi, le troisième codétenu, donne sa version des faits qui avaient consisté en la recherche d´un taxi clandestin. «J´ai été embarqué avec mon frère chez qui les cinquante grammes de drogue avaient été trouvés», dit-il à la présidente, qui posera la question de savoir pourquoi il s´était débarrassé du sachet de drogue au moment où la police avait tapé à la porte du domicile. «J´ai jeté un coup d´oeil et j´ai de suite vu le sachet que j´ai vite reconnu. Alors je l´ai jeté.» Amine S. le témoin est appelé à la barre. La trentaine, le visage «vert». Il ne sait rien. Il ne connaît pas les trois inculpés, mais un seul: «Smina». La juge fait les gros yeux. «Quoi! Smina? Il s´appelle Kedib!», dit-elle en battant des cils avant de déclarer haut et fort: «Attention, pas de tentative d´intimidation du témoin», avertit Mamèche qui renvoie illico presto le témoin «tué debout par la peur». Douze ans d´emprisonnement pour chacun d´eux et un million de dinars d´amende. Plaidant pour Djamel Chérifi, Maître Mustapha Oukid veut calmer les ardeurs nées des dures réquisitions de Abderaouf Kouchih, le procureur. «A chacun son dû. Il faut taper celui qui est coupable. Cherifi n´a ni détenu, ni commercialisé de la drogue. Les policiers sont venus interpeller Chérifi Abdelkader, pas Djamel qui n´est pas du tout concerné par ce délit: commercialisation de drogue.» «Le fait de s´être débarrassé du sachet de drogue ne signifie pas qu´il soit un dealer. Il a eu peur pour sa famille. Grâce à Dieu, les policiers ne l´avaient pas arrêté le sachet en main», a ajouté l´avocat qui veut que l´on éloigne l´article 12 de la loi n°04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l´usage et du trafic illicites de stupéfiants et des produits ou de substances psychotropes. «Il y a peut-être non-dénonciation de malfaiteurs et encore», a conclu le défenseur qui a demandé l´application de l´article 14 de cette loi. Pour Kedib, Maître Ahmed Merdji axe son intervention sur l´éloignement des délits. «Mon client n´a jamais revendu la drogue à quiconque. Il vous l´a dit à plusieurs reprises qu´il était étranger à ce dossier de quarante-six grammes et quatre-vingt-dix grammes de came. La relaxe est le seul verdict pour Kedib», a conclu Maître Merdji. Maître Morsli Jr sera le dernier intervenant à enfourcher un étalon et monter à l´assaut de cette affaire qui voit son client refuser un délit qu´il sait ne pas avoir commis. «Il s´agit d´un acte de vengeance. L´inculpé dira ce qu´il voudra. Il désignera qui il voudra. Il reste une vérité: mon client n´y est pour rien. Kedib est innocent de l´inculpation de commercialisation. C´est ridicule cent quarante grammes et quelque pour trois mille dinars. C´est même insupensable», a récité, sans difficulté, le défenseur qui va suivre le dernier mot prononcé par les inculpés plutôt inquiets. Sur ce, Mamèche annonce la mise en examen de l´affaire, une affaire qui met le doigt sur ce grave fléau qui tend à se généraliser malgré une vigilance à toute épreuve des services de sécurité souvent impuissants, car les mailles sont trop nombreuses et de grosses quantités parviennent à s´échapper pour empoisonner le quotidien de notre jeunesse.