Il a pu constater la difficulté de la tâche induite par l'irrédentisme d'Israël. Il était très facile pour le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, de tancer le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, et d'exiger de lui de démanteler «les infrastructures terroristes», alors qu'il s'est gardé d'exiger de Sharon le démantèlement des colonies de peuplement israélien dans les territoires occupés. Ainsi, M.Powell focalise sur l'effet sans s'attaquer à la cause qui reste l'occupation des territoires palestiniens par l'armée israélienne. On n'a pas entendu Colin Powell être aussi ferme avec Ariel Sharon qu'il ne l'a été avec Abou Mazen. Nous en sommes encore et toujours aux deux poids deux mesures, fermeté avec les Palestiniens, conciliant avec les Israéliens. Sans que ces derniers en sachent gré aux Américains. Car c'est pratiquement à un non-recevoir que s'est heurté le chef de la diplomatie américaine de la part du chef du gouvernement israélien qui non seulement n'accepte pas la «feuille de route» dans sa formulation actuelle, mais affirme, en outre, qu'il n'est pas question de geler la colonisation. Dès lors, de quoi ont bien pu parler Colin Powell et Ariel Sharon, lors de leur rencontre de dimanche, peut-on alors se demander, eu égard à l'ignorance qu'affecte le chef du gouvernement israélien à l'endroit de la «feuille de route» qu'il n'évoqua à aucun moment lors de la conférence de presse conjointe avec le secrétaire d'Etat américain. Bien que les Palestiniens aient accepté le document, dans le texte rendu public le 30 avril dernier -qui demande des efforts surtout aux Palestiniens- les Israéliens, eux, continuent à tergiverser et donnent plutôt l'impression qu'ils ne sont pas prêts à accepter tout document qui va au-delà du désarmement des Palestiniens, ou, comme l'a dit Colin Powell lors de sa rencontre avec Mahmoud Abbas, le «démantèlement des infrastructures terroristes». Ainsi, les Israéliens persistent dans leur irrédentisme, d'autant plus que l'érection d'un Etat palestinien, à plus forte raison doté des attributs de la souveraineté, n'a jamais figuré parmi les priorités de Sharon. De fait, il est plausible de mesurer le peu de cas que le Premier ministre israélien fait des «recommandations» de Washington. En effet, le bouclage des villes palestiniennes, levé samedi lors de la venue de Colin Powell, a été réinstallé dès que le secrétaire d'Etat américain est parti. Il est patent que M.Powell s'est heurté à un roc de la part d'Israël en rapport avec la «feuille de route». Quoique le secrétaire d'Etat américain ait minimisé le différend lors de son escale, hier, au Caire, il n'en demeure pas moins que la demande israélienne d'amendement de la feuille de route équivaut à son rejet dans sa version actuelle. Dans la capitale égyptienne, s'adressant à la presse, Colin Powell dira: «La partie israélienne n'a pas utilisé le terme «accepter», elle a fait des remarques que nous allons écouter (...), l'important est que les Israéliens et les Palestiniens se parlent directement». De quoi? Il semble bien qu'à l'exclusion des affaires de sécurité, Israël n'est disposé à parler de rien d'autre avec les Palestiniens. Depuis longtemps Sharon a dit son sentiment sur l'Etat palestinien, lequel, pour lui, ne saurait être autre chose qu'un «Bantoustan» sous haute surveillance de l'armée, comme il vient de réaffirmer son opposition au gel de la colonisation, point d'achoppement du contentieux israélo-palestinien, de même qu'il s'oppose au retour des réfugiés palestiniens, comme leur en donne le droit la résolution 194 (II, du 29 novembre 1949) du Conseil de sécurité de l'ONU. De quoi discuter dans la mesure où le chef du gouvernement israélien, -si ce ne sont les questions de sécurité- évacue tous les autres points liés au contentieux israélo-palestinien? Les dénégations tarabiscotées de Colin Powell, quant à la façon avec laquelle Israël a accueilli la «feuille de route», sont peu convaincantes et indiquent surtout les difficultés à venir dont le secrétaire d'Etat américain a pris conscience en voyant l'opposition frontale des Israéliens à tout processus pouvant effectivement déboucher sur l'indépendance de la Palestine. Il reste à Washington à démontrer jusqu'où il reste maître du jeu -autant en imposant à Israël le processus de paix tel que prévu par la feuille de route, comme ils le font avec les Palestiniens auxquels il n'est pas demandé leur avis, qu'à garantir la sauvegarde du droit des Palestiniens d'ériger leur Etat indépendant- ou alors faudrait-il comprendre que les Etats-Unis sous-traitent pour Israël. Dès lors, le dossier israélo-palestinien n'est pas près d'être clos.