La guerre d´Algérie s´est déroulée sur trois fronts. D´un côté les Algériens ont affronté deux fronts qui ont fini eux-mêmes par s´affronter. Aujourd´hui c´est le 19 Mars. Il y a 47 ans, le 19 Mars 1962, le cessez-le-feu signé la veille à Evian est entré en vigueur à midi. Les armes se sont tues. La paix enfin et la certitude, pour les Algériens, que c´est aussi la porte ouverte vers l´indépendance après une longue, très longue nuit coloniale où aucune misère ne nous fut épargnée. Pour l´occasion, nous avons décidé de sortir des sentiers battus et aborder un aspect très peu connu. En Algérie comme en France d´ailleurs. En Algérie la faute revient à cette écriture de l´Histoire qui tarde à commencer. En France où des milliers de livres ont été écrits sur la guerre d´Algérie l´aspect en question a subi le sort de «la poussière sous le tapis». De quoi s´agit-il? Le cessez-le-feu du 19 Mars 1962 n´était une surprise pour personne. Tout le monde savait depuis plus d´une année qu´il allait intervenir. En effet, le 8 janvier 1961, De Gaulle avait organisé un référendum à l´issue duquel 75% des Français se sont prononcés pour l´autodétermination en Algérie et donc sa préparation. Ce qui n´est pas rien quand, à dessein, la propagande a tout fait pour mélanger «torchons et serviettes». Ainsi donc, le peuple français dans sa majorité était favorable à notre indépendance. Il l´a dit deux fois plutôt qu´une puisqu´un autre référendum a eu lieu au lendemain des accords d´Evian, soit le 8 avril 1962 avec une question encore plus claire. Après l´autodétermination, 95% des Français ont dit «oui», ce jour-là, à l´indépendance de l´Algérie. Quant à l´issue du référendum du 1er juillet 1962 que tout le monde savait n´être que pure formalité, les Algériens ont dit «oui» à 99,72%. Mais alors, direz-vous, si les Français et les Algériens ont été unanimement pour l´indépendance de l´Algérie, qui était contre? La réponse est simple et compliquée à la fois. Simple pour dire que ceux qui étaient et sont toujours contre, ce sont les Français d´Algérie. Les pieds-noirs comme ils se distinguent. Ils étaient un million en 1962, composé essentiellement d´Espagnols, d´Italiens, de Maltais et des juifs d´Algérie à qui fut accordée la nationalité française en 1871 par l´un des décrets Crémieux. Compliquée car cela veut dire aussi que la guerre d´Algérie s´est déroulée sur trois fronts. D´un côté les Algériens ont affronté deux fronts qui ont fini eux-mêmes par s´affronter. C´est ce que l´historien français Benjamin Stora appelle dans son livre «Algérie-histoire contemporaine-1830-1988» à la page 191 «la guerre franco-française». Bizarrement aussi, cet historien «glisse» sur les deux référendums cités plus haut en ne les mentionnant qu´à la fin du livre dans la «chronologie» et de manière subjective. Pour lui, le 8 janvier 1961, le référendum, concernait «la politique algérienne du général de Gaulle», pas l´autodétermination. Et celui du 8 avril 1962 «la politique algérienne du gouvernement», pas l´indépendance. Le tout sans donner aucun chiffre des résultats de ces deux consultations. Visiblement, Stora écrit l´histoire de la guerre d´Algérie comme il la ressent. Avec partis pris. D´ailleurs, ce même livre s´ouvre sur un chapitre intitulé «L´Algérie, temps colonial, formation d´une nation». Ce qui est très lourd de sens. Un sens que l´on retrouve à la page 39 lorsqu´il écrit lorsque les premiers Français débarquent dans la baie de Sidi Ferruch, les juifs d´Algérie sont organisés en «nation». La mise entre guillemets signifie simplement qu´il ne manquait aux juifs que le pays. Ainsi donc, pour Stora, les Algériens ne formaient pas une nation contrairement aux juifs d´Algérie. Doit-on en vouloir à cet écrivain d´écrire l´histoire en faveur de sa communauté? Pas du tout! Le contraire aurait été condamnable même. Il ne fait que combler un vide que nous avons laissé dans l´écriture de notre histoire. Stora en profite tant qu´il peut et il a raison. Jusqu´à trouver que Krim Belkacem, le chef de la délégation algérienne à Evian, avait une «signature compliquée» (c´est en page 194 du livre) qu´il a apposée face à celle qui n´avait rien «d´anormal» du négociateur français Louis Joxe. Les Algériens sont en droit de savoir en quoi peut être «compliquée» la signature de Krim Belkacem. Nous avons l´explication que nous vous livrerons dans une prochaine édition. Le temps de laisser à Stora la politesse, s´il le veut, d´y répondre lui-même. Le livre est en vente dans nos librairies. Le 19 Mars les armes se sont tues mais la propagande dure toujours. ([email protected])