«Faire un film, c´est inventer un monde que les acteurs habitent le temps du tournage.» Benoît Jacquot Extrait de Studio Magazine - novembre 2002 Il y a quelques jours, les artistes algériens étaient tous conviés au premier tour de manivelle d´un nouveau feuilleton algérien, Essaha, produit par Belkacem Hadjadj et réalisé par Dahmane Ouzid. Cette pratique culturelle n´existe qu´en Algérie et peut être assimilée à une véritable fête de baptême pour la naissance du film. Seulement, cette coutume culturelle a d´autres objectifs non inavoués. En réalité, les tours de manivelle ont été créés dans le but de médiatiser et de faire la promotion d´un auteur pour bénéficier d´un soutien financier. C´est justement pour ces raisons essentielles que les tours de manivelle sont organisés en Algérie. Certains films restent des années entre le tour de manivelle et l´avant-première. C´est le cas du film de Nadia Cherabi qui s´intitulait Mimouna. Le tournage a commencé en 1999 et le film n´a été livré qu´en 2007, soit huit ans après, avec le titre L´Envers du miroir. Le film a connu plusieurs arrêts et plusieurs réalisateurs ont été changés. L´autre film qui a été réalisé dans ces mêmes conditions est celui d´Oulebsir, réalisé en 1999. Il avait décroché plusieurs financements pour sa production: le Millénaire avec Rahmani, ce qui l´a obligé à faire le premier tour de manivelle dans la grande cour de la wilaya d´Alger, à l´époque Gouvernorat du grand-Alger, et de l´Année de l´Algérie 2003 pour finalement ne sortir le film qu´en 2004 pour une seule projection en l´Algérie, avant qu´il ne soit jetée dans les tiroirs. Ces tours de manivelle portent réellement malheur, et souvent le réalisateur ne termine pas le film. C´est le cas de Khalidi qui a effectué son premier tour de manivelle à la Maison de la presse, en présence des artistes et des journalistes, seulement quelques jours plus tard il suspend le tournage du film et rompt avec son producteur. Mohamed Chouikh a vécu le même malheur. Il avait organisé le tour de manivelle de son film L´Andalou à la villa Aziza, mais n´a pas pu poursuivre le tournage pour raison de santé. L´autre problème qui survient dans ce genre d´exercice, c´est que de nombreux comédiens sont lancés dans le tour de manivelle puis exclus au générique final. C´est ainsi que Ferial Lamdjadani qui tenait le rôle principal du film Le Vent de l´oubli de Belkacem Hadjadj, lors du tour de manivelle au Palais de la culture, a quitté le tournage à la suite d´un différend technique avec le réalisateur. Parfois même c´est le producteur et le réalisateur qui sont changés. C´est ce qui s´est passé pour le film Benboulaïd quand le scénariste Bekhouche a organisé un faste tour de manivelle au Cercle militaire de Béni Messous. Ahmed Rachedi n´a pas pu prendre part, car il n´était pas encore choisi par le producteur. On a tout simplement présenté un film au ministre des Moudjahidine sans réalisateur. C´était le scénariste qui s´est présenté comme vedette. En réalité, les tours de manivelle ne servent que pour justifier des dépenses. Aucun intérêt n´est accordé à l´oeuvre ou à l´artiste. Il reste que c´est une pratique qui joue bien des...tours. [email protected]