J´espère que vous n´allez pas me demander d´énumérer la longue liste des sujets de mécontentement qui vaut à nos concitoyens cette mine allongée et rébarbative des mauvais jours de pénurie ou de jeûne. C´est simple. On se croirait en plein carême! car le pauvre citoyen qui souffre du syndrome du salaire minimum garanti (mais pas toujours!) n´a aucune raison de se réjouir au vu de la valse des étiquettes des produits de première nécessité. A peine sorti d´une crise aiguë de la pomme de terre, le voilà confronté à une tomate à 80 DA! Et en pleine canicule! De l´autre côté, il ne comprend pas pourquoi les pouvoirs publics s´empressent d´importer un million de tonnes de ciment pour juguler une spéculation effrénée qui dure depuis le premier Plan triennal, alors qu´ils ont fait la sourde oreille aux lamentations de tout un peuple nostalgique du sandwich frites-omelette (le steak, c´est pour les autres) ou du hachis parmentier. Pourquoi deux poids, deux mesures? Il y aura toujours un pelé ou un tondu qui crèche pas loin du club de copains pour me sortir une fumeuse théorie économique aux accents keynésiens agrémentée d´herbes aromatiques aux senteurs macroéconomiques, et le tout emballé dans les intérêts supérieurs de la nation. Mon oeil! Alors, comment expliquer que le principal client de cette cimenterie qui est en arrêt-maintenance, est le fils même du directeur de cette société et qu´il dirige une entreprise où les intérêts de son père ne doivent sûrement pas entrer en ligne de compte. Et il est prêt à le jurer! Alors, je comprends un peu la mine défaite ou le mauvais caractère du citoyen prêt à exploser quand il pense que 32 milliards de dinars de l´argent public se sont évaporés sans que quelqu´un ne crie gare: 32 milliards! Vous vous rendez compte! Si Mhend, mon ami, a dit qu´il faudrait 32 ans pour compter cette somme-là en commençant par 1,2,3...On ne sait plus où sont les garde-fous. Les détourneurs de fonds, du receveur de poste au directeur de banque constituent, comme le fameux terrorisme résiduel dont on nous serine les oreilles depuis des années, un thème de préoccupation éternel qui alimentera les manchettes des journaux encore pendant longtemps. Un émir abattu est vite remplacé par un autre qui sort de l´ombre comme d´une boîte magique, et un détourneur potentiel remplace celui qui a été pris la main dans le sac. Quand les chats fourrés lui mettent la main dessus, bien sûr! Seuls les cinémas ou les bars qui ferment ne sont pas remplacés par de nouveaux lieux de loisir ou de convivialité. Il y a donc de quoi faire grise mine.