«La finance est une arme, la politique c´est de savoir quand il faut tirer.» Francis Ford Coppola, dialogue du Film le Parrain 3 Au moment où la ministre de la Culture, Khalida Toumi, réunissait ses cadres pour fêter la fin du Panaf à Zéralda, au moment où Hamraoui Habib Chawki célèbre le cinéma arabe à Oran, défendant bec et ongles la programmation du film Benboulaïd, Lyès Salem de Marseille jette de l´autre côté de la rive de la Méditerranée un pavé dans la mare, ouvrant ainsi le «classeur» du financement du cinéma algérien. Il déclare ouvertement que l´idée du financement total d´un film algérien reste insuffisante. Il dit tout haut ce que les cinéastes algériens pensent tout bas, à savoir que les films algériens se font exclusivement dans le cadre événementiel (le Panaf, Alger capitale de la culture arabe), mais aussi «l´Année de l´Algérie en France» en 2003 ou encore le millénaire de Mizghena en 1998. Le réalisateur présente le cas de son film Mascarades, qui est financé à 80% en France, alors qu´il a fait un film algéro-algérien avec des personnages, un paysage et surtout un langage totalement algérien. Salem s´étonne de ne pas voir son film financé à 80% par l´Algérie au lieu de la France, affichant ainsi une grande dépendance vis-à-vis de la France. Ce que Lyès Salem oublie de signaler est que la réponse des autorités algériennes met plus de temps à arriver que de leurs homologues français qui possèdent un processus bien huilé. L´autre problème est que le ministre se borne à rester dans des barèmes fixe de 100.000 euros qu´il change de gré à gré, selon l´étiquette et les soutiens du réalisateur au niveau de l´Etat. Il est aujourd´hui presque certain que si Lyès Salem souhaitait faire un nouveau film avec l´Algérie, ils sera financé à 80% même s´il demande 40%. Chez nous on applique la politique ´´Etleb yahdar´´ (demande, tu as), il suffit seulement d´apporter quelque chose de frais à l´Algérie. Quand Merzak Allouache est venu tourner Bab El web en coproduction avec l´Algérie, on lui accordait 700 millions selon un barème du Fdatic à l´époque, mais après la déconfiture de la série Babor Dzaïr, financée à 2,4 millions d´euros par l´Entv, Merzak Allouache est devenue indésirable: on lui a refusé l´aide du Fdatic pour son prochain film, le poussant à aller tourner au Maroc un film de commande d´Arte. Il lui a fallu attendre deux ans pour que l´affaire soit enterrée, pour que le réalisateur d´Omar Gatlato soit autorisé à tourner de nouveau en Algérie, à Relizane, un film sur les Harraga. Merzak Allouache est passé du statut de star en Algérie au statut de cinéaste banni, même chose pour Nadir Moknache qui après le succès controversée de Viva l´Algérie, s´est vu interdire le visa d´exploitation de son dernier film Délice Paloma, pourtant meilleur. Le cinéma en Algérie n´accuse pas seulement un retard dans la politique culturelle, il est aussi régi par un problème de mentalité et de moeurs. Aujourd´hui, le cinéaste est victime d´une guerre de clans et d´entités qui le dépasse. S´il obtient l´aide de la télévision, il n´a pas le droit à l´aide du ministère de la Culture et vice versa, alors qu´ils sont normalement complémentaires. Aujourd´hui, l´Algérie a besoin de plus d´indépendance que de politique, l´indépendance d´une commission qui accorde des aides aux projets ambitieux et qui ne prend pas en compte les relations des réalisateurs avec le haut et le bas. Il faut dépasser les clivages et les préjugés laissés par une mentalité rigoriste, qui n´a pas sa place dans l´avenir des relations cinéma et culture dans le monde. [email protected]