«La mémoire ne filme pas, la mémoire photographie.» Milan Kundera "Extrait de L´Immortalité" Il y a longtemps que nous n´avons pas vu un documentaire d´époque de si bonne qualité. Le film de Frédéric Mitterrand Un printemps 1956, réalisé en 2006, diffusé en novembre 2007 et rediffusé avant-hier sur la 5e chaîne de France télévisions, nous a subjugués par la qualité de son traitement et surtout par la force des propos de l´actuel ministre de la Culture français. Bien sûr, France 5 ne l´a pas programmé que pour faire plaisir à l´ancien animateur d´émission culturelle de France télévisions, mais pour remplir une grille d´été bien morne. Frédéric Mitterrand nous a résumé en 56 minutes l´indépendance du Maroc. A partir d´un certain 16 novembre 1955, à l´aéroport de Rabat, quand une foule nombreuse s´apprête à accueillir, sous les acclamations, le défunt roi Mohammed V, de retour chez lui après deux ans d´exil. Cet événement marque la fin de trois décennies de lutte pour l´indépendance. Ce film, de 56 minutes, est pourtant composé de plus de 40 mn d´images d´archives. Mais ce n´est pas du Youcef Bouchichi, qui a dû relooker son film, après les critiques de la commission de visionnage du département de Khalida Toumi. Et pourtant Frédéric Mitterrand n´est pas un réalisateur de formation. Il a appris sur le tas comment faire un bon produit documentaire et surtout respecter les faits historiques. Pour faire ce doc, il fallait d´abord, un objectif et un scénario tracé et surtout une entrée dans le palais royal marocain. Bien sûr, le plus indiqué est le conseiller du roi Mohammed VI, André Azoulay. Tous les anciens ministres de Hassan II ont répondu présent à l´appel du conseiller du roi pour témoigner du parcours de Mohammed V. Azoulay, le seul proche conseiller juif d´un roi musulman, exigera que le documentaire évoque le discours de Mohammed V, appelant à la protection des juifs marocains. Dans de pareils cas, le doc est cousu main puisqu´ aux témoignages, il fallait meubler des belles images d´archives dont certaines ont été accordées par le palais royal, puisqu´il s´agissait d´images privées du roi Mohammed V avec sa famille. Résultat, nous sommes tombés sur un documentaire de très bonne qualité, qui nous renseigne d´abord sur l´histoire du Maroc et sur les qualités humaines et intellectuelles du roi Mohammed V. Un roi digne et respecté que la France a tenté de séparer de son peuple, en imposant des gouverneurs fantoches à l´image d´El Glaoui, l´un des plus célèbres pachas marocains. Le documentaire raconte comment, en décembre 1950, El Glaoui demande à Mohammed V de ne plus suivre le parti Istiqlal favorable à l´indépendance. Devant le refus du roi, ce dernier réunit en février 1953, une centaine de pachas et le double de caïds et fait signer une pétition exigeant le départ du sultan. Le 20 août 1953, Mohammed V ainsi que le prince héritier Moulay Hassan (Hassan II) sont arrêtés puis envoyés en exil en Corse et à Madagascar. Images fortes du documentaire raconté par la voix affectueuse et mélodieuse de Frédéric Mitterrand, quand le roi Mohammed V de son retour d´exil, reçoit El Glaoui à genoux, presque à plat ventre, demandant pardon. Frédéric Mitterrand évoquera à ce moment le sens élevé du pardon chez le roi Mohammed V, qui a pardonné aussi bien aux Français qu´aux Marocains qui l´ont trahi. Bref, ce doc montre à quel point, nous sommes en retard dans la sauvegarde de la mémoire historique, puisque personne, en Algérie, n´est capable de faire un documentaire de qualité sur l´Emir Abdelkader. [email protected]