Les services de sécurité traquent tous les dealers, même ceux qui ont entre les mains un seul gramme. Mourad et Rachid étaient filés par les policiers qui s´étaient placés en embuscade au moment de la revente d´une quantité de came à des usagers de drogue. Sur le coup, ils sont pris en flagrant délit avec un seul gramme à écouler. Hadj Rabah Barik, le président décide de décontracter l´audience. Il s´amuse presque: «Un gramme ce n´est pas trop? Vous vouliez que l´on vous surprenne avec un kilogramme.» Mourad fait les gros yeux mais reconnaît que le client lui avait demandé de lui procurer de la drogue. «Et vous, vous vous êtes débrouillé la came où?» «A Mouzaïa», répond Mourad qui ignore les coordonnées du dealer. Mokhtar poursuivi pour usage de drogue n´a que dix-neuf ans. Il dit que ce sont des adultes qui l´ont initié. «J´ai fauté. Je ne savais pas où cela allait m´amener», dit-il les larmes aux yeux. Barik enfonce le clou: «C´est comme cela que l´on devient un gros dealer. On commence par un joint, dix joints, un gramme, cent grammes et c´est l´enfer.» A force de questionner les trois inculpés, le juge a voulu tirer l´oreille et la sonnette d´alarme parmi l´assistance fort nombreuse. Maître Ouali Laceb, en avocat avisé et ayant pratiquement au moins trois dossiers du même genre par semaine, hoche la tête comme pour s´apitoyer sur le sort de ces jeunes égarés. Et en père de famille, grand pépé par-dessus le marché, il est encore plus ému. Entre-temps, le «harcèlement positif» a porté ses fruits. Les inculpés pleurent surtout celui surpris avec une arme blanche lors de son interpellation. Samir Hamel, le procureur commente négativement ces affreux comportements. Il va requérir lourdement car la loi sur la prévention et la répression de l´usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes lui ouvre un large horizon pour effectuer les demandes arrêtées par la loi, même si ici, il s´agit d´un gramme de drogue (plus de dix joints!). Maître Benkabouya Omar est le premier avocat à entrer en scène. Il veut plaider juste. Il ne veut pas entrer dans les dédales du procès et ses lourdeurs. Il va surtout mettre l´accent sur la quantité de came à commercialiser. «C´est presque ridicule, car des tonnes et des tonnes de drogue de tout acabit circulent à travers notre pays et nous voilà devant des dealers de un gramme», a articulé l´avocat qui avait souri lorsque le président avait fait les gros yeux à propos de «ridicule». Lui succédant et plaidant avec beaucoup de gestes, Maître Laâdjel, le dernier conseil va débuter sa plaidoirie par une anecdote, une histoire de huit tonnes et maudit le côté ouest de Koléa d´où provient le poison car pour le défenseur, l´ouest de l´Afrique du Nord est responsable des maux des jeunes. «Comment se fait-il que des tonnes entrent au vu et au su de tous?» s´est écrié le conseil copiant son confrère. Le juge réplique de suite: «Maître, nous ne sommes pas ici pour nous immiscer dans le rôle d´autres institutions chargées de la lutte antidrogue. Et si nous revenions au gramme chargé de tomber à charge sur votre client? Les huit tonnes? On s´en passe. Ils ne figurent pas dans ce dossier. Quant à l´ouest de Koléa, c´est vous qui le dites», marmonne le président. L´avocat revient au dossier du jour pour se questionner à son tour et encore une fois, sur ce qui a poussé ces jeunes à revendre des joints (pas des tonnes, souligne-t-il avec force). Puis, il passe au peigne fin sur le comment fabrique-t-on un petit dealer qui deviendra grand dealer. «Et pour ce faire, on en fait un grand récidiviste dans le domaine de ce très grave délit», conclut le défenseur qui réclamera les circonstances atténuantes. Ce qui a fait plaisir dans cette drôle d´histoire où la came aura été la star, c´est l´esprit combatif des trois avocats menés par un Laceb dans son jour, qui avait prévalu. Ce qui a dû certainement aiguillonner ce calme Hadj Barik sûr de son sujet qu´il maîtrise admirablement bien. Et pour ce faire, il décide de se donner une quinzaine pour prendre à coeur de livrer le verdict que la loi et les débats auront arrêté.