La route tue. Elle a tué. Elle continue à tuer! Le drame du Ramadhan dernier où deux jeunes avaient perdu la vie dans un stupide accident de la circulation sur la voie rapide Dar El Beïda-Zéralda, à proximité de Bir Mourad Raïs (Alger), a vu le procès du responsable se tenir dimanche devant Samira Kirat, la présidente de la section correctionnelle. Chahine, né en 1989, a le même âge que le témoin. Les deux conduisaient deux «207». Les deux ont vécu en direct le cauchemar. Les deux versions de l´accident ne se ressemblent point. Pour Chahine, il n´y a jamais eu d´excès de vitesse, ni de dépassement dangereux. C´était le destin qui avait sonné. A quinze minutes de la rupture du jeûne, deux jeunes périront à la suite du choc qui était né de la poussée du second véhicule sur celui conduit par l´inculpé d´homicide involontaire Chahine. «Je roulais à moins de soixante km/h», avait affirmé le jeune. «Lorsqu´il m´avait doublé sur ma droite côté bande d´arrêt d´urgence, je roulais à quatre-vingts km/h. C´est dire le choc qui allait envoyer l´auto de Chahine sous le réservoir du camion...», avait-il raconté sans cliquer des yeux. Deux jeunes tués. Le premier était assis à la «place du mort» tout comme le second à l´arrière. En voulant éviter le poids lourds, Chahine avait braqué sur sa gauche, ce qui fait que les deux passagers s´étaient retrouvés, eux sous le mastodonte, un semi -remorque qui ne pardonne jamais en cas de choc! Calmement, Kirat la juge, avec l´aide de Mourad Hellal, le jeune procureur, arrivait à la vérité de ce qui s´était réellement passé. Une queue de poisson mortelle. Pour la partie civile, Maître Madjid Akboudj et Maître Sadek Chaïb avaient réussi à expliquer le laisser-aller du chauffeur. La maladresse aussi avait été mise à l´index. L´excès de vitesse avait été flétri par les deux défenseurs. «L´absence manifeste de réflexe avait beaucoup joué», avait lancé Maître Chaïb alors qu´avant lui, Maître Akboudj avait signalé que les familles n´arrivaient pas à comprendre ce qui était arrivé aux trois amis en dix secondes. «Nous n´allons pas ressusciter les deux jeunes disparus mais il faut ne pas perdre de vue les conséquences de l´excès de vitesse et des queues de poisson.» Maître Chaïb, lui, avait au tout début soulevé un point de droit avant de regretter que Chahine continue à nier sa responsabilité dans ce sinistre. «Il n´a jamais chevauché la ligne continue ni emprunté la bande d´arrêt d´urgence.» C´est impensable alors qu´il devrait dire la vérité. Cela peut même l´aider mentalement. Dans ce dossier, avec le nouveau Code de la route, il n´y a que des circonstances aggravantes. Et comme son confrère, Maître Madjid Akboudj, le membre du Conseil de l´Ordre, est revenu sur l´expertise qui a démontré l´excès de vitesse. La manière de la pénétration du véhicule sous le mastodonte est la preuve que le véhicule conduit par Chahine allait vite, trop vite. Le dépassement dangereux est établi. Le nouveau Code de la route, Madame la présidente n´a pas été rédigé pour amadouer les excités seulement, mais pour taper sur les doigts qui n´arrivent pas à maîtriser le volant, avait conclu l´avocat qui aura, tout comme son confrère, Maître Akboudj, réclamé le montant des dommages et intérêts revus par la loi. Mourad Hellal, le représentant du ministère public, allait réclamer la peine de prison ferme de trois ans, et ce, dans l´esprit de l´application de la loi, une loi qui n´arrive toujours pas à tempérer les ardeurs des chauffards, surtout ceux qui voulaient absolument arriver à l´heure du f´tour et qui n´arriveront jamais, plus jamais. Seul contre les deux avocats et le parquetier, Maître Saïd Benalleg, égal à lui-même, va aller à l´essentiel. Il évoque naturellement et mécaniquement le destin le «Qadha oual qadar», ce concept qui se présente dès que l´heure a sonné pour rejoindre l´Eternel. Il rend grâce à Allah qu´il n´y ait pas eu un plus gros drame. Il demande à la juge de croire son client qui n´avait pas intérêt à mentir car il a perdu dans la foulée deux grands amis. Puis revenant à l´excès de vitesse, il dit: «Soyons sérieux, Madame la présidente, il vous arrive d´emprunter nos routes et voies rapides. A quel moment peut-on faire de la vitesse? Toute la journée des bouchons empêchent tout excès de vitesse». L´avocat d´Alger a surtout attiré l´attention de la magistrate et du parquetier qu´un accident peut arriver à tout moment sur nos routes, dans les foyers, dans les usines et autres bureaux. «N´évoquons pas les deux défunts comme s´ils avaient été assassinés», a conclu le défenseur qui a réclamé une tonne de circonstances atténuantes. Kirat met l´affaire en examen.