«Être prophète c´est avoir la parole dans l´image. Être sage, c´est voir l´idée dans la parole.» Armand Abécassis "Extrait de Prophétie et sagesse" Il y a quelques jours, nous évoquions dans ces colonnes l´histoire de la production d´un feuilleton iranien sur le prophète Youcef qu´aurait acquis Nessma TV pour le Ramadhan 2010. Le film met en exergue surtout la guerre des images saintes entre chiites et sunnites. Cette fois, c´est des producteurs de confession sunnite qui s´attaqueraient à un projet des figures importantes du chiisme, Husayn et Hassan, les fils de l´imam Ali, cousin du Prophète (Qsssl). Le projet, financé par un producteur koweïtien (les Koweïtiens et les Saoudiens sont considérés comme les adversaires théologiques des chiites) vise à financer un projet de feuilleton intitulé Al-Asbât, doté d´un budget de 3 millions de dollars. La réalisation est déjà confiée au jeune réalisateur syrien Abd Al Bari Abu Khair. Six écrivains et plus de 30 cheikhs religieux ont été consultés au sujet du script final de cette série en raison de la nature controversée entourant l´histoire de l´Imam Hassan, assassiné d´une manière horrible avec toute sa famille lors de la bataille de Karbala. Jamais une télévision arabe ou même iranienne n´avait traité ce sujet considéré en Iran comme très sacré. En s´attaquant à ce sujet brûlant, les producteurs arabes vont déclencher une véritable guerre des images saintes allant peut être jusqu´à la représentation du prophète Mohamed (Qsssl). D´autant plus que Al-Asbat est un terme coranique qui fait référence aux tribus d´Israël. Officiellement, la télévision arabe est autorisée à montrer les images du petit-fils du Prophète. Car les points de vue ne sont pas uniques aujourd´hui comme hier: l´Islam sunnite, et principalement l´école wahhabite officiellement adoptée par l´Arabie Saoudite, proscrit en général la représentation des figures saintes de l´Islam, celles des prophètes, à commencer par le prophète Mohamed (Qsssl) bien entendu, mais également celles des «dix Compagnons auquels le paradis a été promis». Du point de vue chiite, les choses sont vues différemment. Ainsi, durant la seconde moitié du XIXe siècle, le monarque perse Nasser al-Din Shah, ami du photographe français Nadar, fut un des grands promoteurs dans son pays de la photographie à un moment où un artiste tel qu´Ismail Jalayir représentait l´imam Ali entouré de ses deux fils Husayn et Hassan. Malgré les précautions d´authenticité, le projet est bloqué et plusieurs autorités religieuses sunnites ont demandé l´interdiction d´un tel projet. En Syrie en particulier, où doit avoir lieu le tournage, le ministre des Waqfs (les «Affaires religieuses» en quelque sorte), relayé par le ministre de l´Information, a fait savoir que l´autorisation ne sera pas donnée si «le visage des deux imams ou celui de toute autre membre de la famille du Prophète [ahl al-bayt], ou encore ceux des califes bien dirigés´ [les quatre premiers califes] ou des personnes importantes de l´Islam apparaissaient». Muhammad al-Anzi,le producteur koweïtien du feuilleton Al-Asbat, affirme pour sa défense qu´il s´agit au contraire, par le rappel de l´histoire des premières décennies de l´Islam, de désamorcer les tensions entre sunnites et chiites en mettant en valeur une période de concorde entre les différentes branches de l´Islam seulement menacé par les manoeuvres des tribus juives...Pour ce faire,il a soumis le projet aux autorités syriennes, aux autorités religieuses chiites de l´iranien al-Sîstâni, au sunnite Qardâwi et même à l´imam chiite libanais Muhammad Hussayn Fadlallah, avant sa disparition. [email protected]