Au centre de cet enjeu se trouve la rue. En autorisant l'organisation de marches populaires de soutien au peuple irakien, à travers tous les chefs-lieux de wilaya du pays, à l'exception d'Alger, où ne seront tolérés que des meetings dans des salles hermétiquement fermées, le ministre de l'Intérieur a dévoilé sans le savoir et d'une manière on ne peut plus claire, la volonté du pouvoir de consacrer ainsi l'inégal traitement entre les villes algériennes, dans un effort vers l'homogénéité globale, après avoir consacré l'inégalité entre citoyens ainsi que l'inégalité entre régions, comme un des fondements stratégiques de sa pérennité. Du coup, l'on découvre que l'importance d'Alger ne réside en fin de compte, aux yeux de nos gouvernants, que dans le seul fait qu'elle constitue pour eux le milieu le plus favorable pour maintenir et entretenir l'ordre «policier». Entre un «ordre» garantissant un minimum de libertés pour maintenir un peuple en vie, et un «désordre» toujours menaçant, l'Etat a choisi «l'ordre» de la répression systématique, sous prétexte qu'Alger, comme toute autre grande métropole du tiers-monde, pose «le problème» du nombre et de l'urbanisation anarchique: d'un côté la surcharge dans les grands ensembles d'habitat au coeur même de la capitale (Bab El-Oued en est l'exemple), et de l'autre, le fort taux de concentration de la population dans les «ghettos urbains» de la périphérie, véritables poudrières qui ceinturent la ville, de tous les côtés, résultat d'une croissance urbaine spontanée et anarchique (due au phénomène des constructions illicites) qui a pris le pas sur une urbanisation planifiée et volontaire, et que les urbanistes trouvent du mal à intégrer dans les projections du développement futur du tissu urbain d'Alger. Cette population hétéroclite issue des couches sociales les plus défavorisées est constituée dans sa grande majorité de «masses» de jeunes, ce qui implique l'exercice continu du contrôle «répressif», et de la contrainte «musclée» sur ces jeunes, qui refusent de cautionner tout programme politique, et vont même jusqu'à considérer comme trahison toute tentative de les réconcilier ave el programme. Leur objectif, déclencher la violence à l'état pur, car la «ségrégation sociale» dans laquelle, on les a enfermés, est plus puissante que toutes les promesses «d'intégration légale» qu'on leur a fait miroiter jusqu'à présent, et donc il y va de la survie du pouvoir de maintenir un état de «violence» et de «répression» permanent, pour dissuader toute action concertée de protestation, aussi désespérée soit-elle, comme ce fut le cas dernièrement, pour les marches de soutien au peuple irakien auxquelles ont appelé trois partis politiques, et qui ont été sévèrement réprimées par les forces de sécurité, de peur qu'elles ne se transforment en mouvements de rue incontrôlables, qui risquent de déborder sur un centre «élitiste» et toujours «politique» symbolisant le «pouvoir d'Etat».