«Objectivité ne signifie pas impartialité mais universalité.» Raymond Aron Rabat n´a pas réussi à prendre son ascendant sur la chaîne Al Jazeera et décide de fermer le bureau de la chaîne qatarie sur son territoire. Une décision préparée depuis plus de deux ans et même très soigneusement calculée, depuis quelques mois. Le Maroc était dans le collimateur de plusieurs ONG dont Amnesty International suite à l´assassinat, le 24 octobre dernier, d´El Garhi Najem, un jeune Sahraoui âgé de 14 ans. La décision du gouvernement marocain n´est que la conséquence de plusieurs coups de «force» de la chaîne qatarie, qui, de par sa manière de traiter de front tous les sujets qui fâchent, a poussé à bout le Royaume et son Makhzen à couper les projecteurs sur la réalité du dossier du Sahara occidental. La couverture d´Al Jazeera de cet évènement semble avoir été très mal appréciée par les autorités de Rabat. Un journaliste de la chaîne qatarie a été empêché de se rendre au même titre que sept autres journalistes espagnols en avion à El Aâyoun, pour couvrir l´enterrement d´El Garhi Najem et enquêter sur les conditions de sa mort. Mais ce qui irrita les autorités marocaines c´est surtout la diffusion par Al Jazeera d´une interview réalisée avec le président de la Rasd, M.Mohamed Abdelaziz, le 19 octobre dernier. Le président sahraoui est interdit d´expression sur les médias marocains, seul Telquel, a dérogé à la règle royale en publiant une entrevue du président Abdelaziz. Dans ses déclarations, le président sahraoui affirme que si les prochaines négociations (entre les deux parties) s´avèrent infructueuses, le Polisario reprendra les armes. La première contre-attaque marocaine à cette interview est lancée en semonce le 25 octobre, quand l´association marocaine des droits des téléspectateurs (Amdt), pilotée par le Makhzen, adresse une lettre de protestation à Cheikh Hamad Ben Tamer Al-Thani, président du conseil d´administration de la chaîne qatarie. La chaîne est accusée d´alignement en faveur de la position de l´Algérie. D´ailleurs, le ministre de la Communication, Khalid Naciri, a reproché à la chaîne qatarie son refus de traiter les grands dossiers structurants et de véhiculer une image caricaturale de la réalité marocaine. Il a accusé la chaîne arabe d´avoir fait rentrer du matériel technique sans l´autorisation de son département et surtout de faire travailler deux journalistes dont l´accréditation n´a pas été renouvelée depuis une année par le ministère de la Communication. Il s´agit de Anis Ben Salah et Mohamed Bakali. Depuis son installation, Al Jazeera n´a jamais cédé aux pressions du Makhzen. En 2008, les autorités marocaines avait déjà fermé les bureaux d´Al Jazeera et condamné son chef de bureau Hassen Rachedi, pour avoir diffusé un sujet sur les événements de Sidi Ifni. Le chef du bureau d´Al Jazeera avait écopé alors d´une amende de 6000 dollars. Mais ses ennuis n´ont fait que commencer puisqu´il fut empêché, quelques mois après la réouverture du bureau d´Al Jazeera, de couvrir la visite de Zapatero et de se rapprocher du roi Mohammed V, ce qui conduisit à son changement à la tête du bureau et son remplacement par Abdelakder Kherroubi, considéré comme un fin diplomate dans la gestion des crises. Mais cette fois, la coupe est pleine pour le Makhzen, qui a tenu à réagir en position de faiblesse en fermant le bureau de la chaîne de télévision la plus influente dans la région. [email protected]