«Il n'y a au exte dans la législation algérienne qui permet de poursuivre des personnes pour génocide et crime contre l'humanité.» Cette vérité tout crue émane de Me Miloud Brahimi, avocat de renommée internationale, dans une déclaration lors d'une conférence-débat hier au centre de presse d'El-Moudjahid autour du thème: «La justice pénale internationale», en présence du Pr Issaâd et de Mustapha Ksentini, président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l´homme (Cncppdh), de M.Bourayou et de plusieurs personnalités du barreau. De ce fait, il n'est point possible aux Algériens d'ester en justice toute personne physique ou morale pour crime de guerre et crime contre l'humanité. A la lumière de cette explication, il est aisé pour un Aussaresses ou un Bigeard de fouler le sol algérien sans être inquiété ou poursuivi pour les crimes qu'il a commis contre le peuple algérien pendant la Guerre de Libération. Cet état de fait est dû essentiellement au fait que l'Algérie a signé, mais n'a jamais ratifié, la convention de Rome portant création de la Cour pénale internationale. A la question de savoir pourquoi l'Algérie n'a jamais ratifié ladite convention, Me Brahimi a été évasif, tout en nous renvoyant aux pouvoirs publics, «seuls habilités à prendre de telles décisions qui restent du domaine politique». Au sujet des événements d'Octobre 1988 et ceux de Kabylie, l'orateur a tenu à apporter des précisions de taille en déclarant que le paragraphe 3 de l'article 8 des statuts de Rome stipule: «Rien n'affecte la responsabilité d'un Etat de vouloir rétablir l'ordre public quand il est menacé.» Ce qui s'apparente à dire qu'il est autorisé à user de tous les moyens que lui confère sa législation si sa sécurité territoriale est menacée. En outre, la Cour pénale internationale ne peut intervenir dans les pays n'ayant pas ratifié la convention de Rome. Sur ce point, il avance qu' «il y a actuellement 200 plaintes déposées au niveau de la CPI, mais aucune ne concerne l'Algérie». En outre, s'il y a un fait que l'orateur regrette, c'est celui concernant la peine de mort. En effet, il trouve inconcevable que l'Algérie du XXIe siècle n'abolisse pas cette peine alors qu'actuellement elle est gelée. «Il est inconcevable que d'ici à un proche avenir la peine de mort soit réactivée pour une personne condamnée pour un crime passionnel alors que les actuels condamnés ont pris les armes contre le pays», a-t-il justifié. Pour rappel, la Cour pénale internationale a vu le jour le 1er avril 2002 lorsqu'une soixantaine d'Etats a ratifié le statut de Rome. Cette institution est venue combler le vide existant pour juger les responsables de génocides et crimes contre l'humanité. Du fait que le XXe siècle n'aura pas seulement été un siècle de conflits, mais aussi un siècle rongé par des crimes perpétrés à grande échelle contre des populations civiles : massacre des Arméniens, horreur systématisée de la Shoah, exterminations massives au Cambodge, purification ethnique en ex-Yougoslavie, génocide rwandais, colonisation de la Palestine et agression contre l'Irak... D'où la naissance du concept «crime contre l'humanité» usité pour la première fois en 1919 par la France pour désigner le massacre des Arméniens. Mais il faudra attendre le procès de Nuremberg pour que des personnes physiques soient jugées pour crimes contre l'humanité et que des associations (Gestapo) soient au banc des accusés. La définition de ces crimes au cours du XXe siècle est allée de pair avec les actions engagées dans le but d'en punir les auteurs. Ainsi, les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ont été la première expression de cette exigence de justice même si leur caractère exceptionnel a restreint leur portée au-delà du contexte et des circonstances dans lesquels ils avaient été institués. Cependant, l'idée de créer une juridiction indépendante et permanente avait vu le jour dans les années 1920. La guerre froide et les réticences des Etats ont continué après la Seconde Guerre mondiale à freiner ce processus. Deux phénomènes ont contribué, après la fin de l'antagonisme Est-Ouest, à la réémergence de l'idée de justice pénale internationale. Les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda ont conduit à la mise en place de nouvelles juridictions indépendantes dans le cadre des Nations unies connues sous le nom de Tribunaux pénaux internationaux. Ces deux événements et leur résonance dans l'opinion publique grâce aux médias et au travail des ONG ont contribué à faire renaître l'idée de créer une juridiction permanente indépendante des Etats sous l'impulsion du Conseil de sécurité de l'ONU: la Cour pénale internationale.