Alors que les sinistrés de Aïn Temouchent attendent d'être relogés, des promesses fermes sont données à ceux de Boumerdès. C'est surtout la nuit que le doute s'insinue. Le temps de réfléchir et de se rappeler... La route qui nous conduit vers Boumerdès semblait être désertée par ses usagers. Pourtant, il n'est que 20h 30, et nous ne doublons que de rares voitures. Des convois de fourgons de particuliers, activant leurs feux de détresse et remplis de dons nous rappellent à l'ordre. Chemin faisant, Yazid le photographe, Fethi et moi, sommes choqués par le décor apocalyptique de part et d'autre de la route. Là où porte notre regard nous ne découvrons que désolation. Les nombreuses bâtisses alignées, fissurées, à moitié démolies ou complètement écroulées dénotent la terreur vécue par les habitants lors du terrifiant séisme. Le long de la route, les séquelles de cette terrifiante nuit du 21 mai se dressent comme pour défier le temps et que même l'obscurité n'a pas réussi à faire «taire». Parmi ces habitations, certaines sont encore intactes mais vidées de leurs occupants, donnant un aspect fantomatique aux hameaux qui les bordent. Craignant d'être surpris par un tremblement, hommes, et enfants préfèrent passer la nuit sous des tentes de fortune fabriquées à l'aide de couvertures et de draps. 22h 30, «Ami Ferhat» réduit la vitesse à l'entrée de Boudouaou. La pluie sur le bitume rend la chaussée glissante. Au même moment, nous faisons une prière discrète pour que la pluie ne tombe pas sur les lieux où se déroulent les opérations de sauvetage que ce soit à Boumerdès ou dans toutes les localités sinistrées. Au cours du trajet, nous décidons de bifurquer vers la commune de Corso. Nous sommes stupéfaits par les importants dégâts et par la triste ambiance de deuil qui y règne. Une école et d'autres bâtisses, même sérieusement fissurées font office de lieu d'hébergement aux familles, tandis que les hommes «font la sentinelle». «Les voleurs, les pillards et les voyous pullulent», nous confie un des gardiens allongé à même le sol près de nombreux autres sinistrés. Plus loin, le bruit assourdissant est produit par les pelles mécaniques, les marteaux-piqueurs, les grues, les tronçonneuses et les groupes électrogènes, le tout aggravé par des nuages de poussière qui emplissaient l'atmosphère. Au quatrième jour, les sauveteurs continuent de dégager des victimes des décombres. La fatigue semblait se dérober devant la détermination des militaires, des citoyens, des gendarmes, des sapeurs-pompiers et des agents du Croissant-Rouge. Le courage et l'abnégation de ces hommes ont réussi à vaincre la rigidité du béton. «Trois équipes se sont relayées durant quatre jours et quatre nuits pour dégager des victimes et il n'en reste que trois seulement sur ce site», révèle un officier tout en nous tendant des masques. «Ils sont nombreux à se décomposer sous les décombres en d'autres sites», nous dit-on. Des équipes de désinfection vaporisent un produit pour ralentir la décomposition et empêcher la putréfaction de se répandre. Tout autour, les services de sécurité sont à l'affût d'un moindre pillage tandis que les ambulances dont le moteur tourne, sont prêtes à évacuer, blessés et dépouilles vers les hôpitaux. Des bénévoles apportent leur contribution en distribuant de l'eau, des biscuits et du chocolat. Nous quittons Corso. Il est 00h lorsque nous nous dirigeons vers Boumerdès laissant la commune de Corso plongée dans une totale obscurité.