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Face à l'absence des autorités, la grogne des sinistrés monte
SEISME DU 21 MAI 2003
Publié dans L'Expression le 29 - 05 - 2003


Les tentes hâtives !
La guitoune s'est substituée au décor apocalyptique des sites ruinés par le séisme de mercredi dernier. Partout, prolifèrent des tentes généralement de fortune. Les fortes répliques du séisme qui a endeuillé l'Algérie ont fait sortir les plus téméraires de chez eux pour passer la nuit sous le ciel clément. Une véritable psychose s'est saisie des populations à la recherche de ce gîte à même de les prémunir contre les ravages du séisme. En ces moments de douleur et de psychose, la quête d'une tente devient aussi impossible que le logement en temps «normal». «C'est quoi cet Etat qui ne peut assurer ni des tentes ni des logements à ses citoyens ?» s'est indigné un habitant de la cité 20-Août de Bordj Menaiel. Au niveau de la plupart des sites qu'on a visités hier, «Dites-leur de nous ramener des tentes» a été le leitmotiv des sinistrés. Dans certaines régions touchées par le séisme, la grogne des sinistrés a déjà atteint la rue. C'est le cas à Cap Djenet où des émeutes ont éclaté dans la nuit de mardi. «Cela fait une semaine que les tentes sont stockées dans le siège de la mairie, mais ils ne veulent pas les distribuer», témoigne un citoyen sous le couvert de l'anonymat. «Après avoir assailli le siège de l'APC, avec des pierres, l'armée a essayé de prendre l'affaire en main en nous proposant une tente pour trois familles et nous avons refusé», a ajouté le même citoyen. A Tizi Ouzou, la distribution des guitounes a failli tourner à l'émeute, à Dellys, le président de l'APC a failli être lynché par les citoyens après qu'il a consenti un effort incroyable pour se débrouiller une centaine de tentes. Certaines localités sont complètement livrées à elles-mêmes, notamment les zones rurales où le séisme a aussi violemment frappé. A quelques kilomètres de Cap Djenet, la localité de Mazar fait son deuil des aides de l'Etat et l'on craint même le retour des épidémies comme la gale. A la cité 250 Logements de Bordj Menaiel, le mécontentement des populations risque de se transformer en émeute de la guitoune. Accroupie à l'intérieur d'une tente de fortune, une mère de famille surveille la cafetière posée sur un réchaud à trois pieds. Très mal à l'aise dans ces nouvelles conditions de promiscuité et d'insalubrité, elle s'en remet au mektoub. «C'est écrit par le bon Dieu» s'est-elle résignée. Au centre «du nouveau quartier» de tentes, un amas de bouteilles d'eau minérale côtoie une poubelle, sur le côté une benne couverte d'un camion sert de dépôt de fortune pour les denrées alimentaires.» C'est un citoyen qui nous l'a donnée.» Les hommes s'affairent à répartir les sachets d'eau que le camion de l'Algérienne des eaux vient de déposer. «C'est la première fois qu'il vient» fait remarquer Mohammed Tachert, un des responsables du camp. «Aucun responsable n'est venu nous voir jusqu'à maintenant, aucun don ne nous a été remis» déclare-t-il. Il enchaîne: «C'est grâce, aux engins de Hannachi qu'on a pu sauver les populations sous les décombres et ce sont les populations de Tizi et d'Alger qui nous ont pris en charge.» Cette cité de 250 Logements a bénéficié de 60 tentes qu'ils ont exclusivement réservées aux . Les sinistrés essayent de s'organiser pour parer au déficit des autorités locales. «Le maire n'existe pas et l'Etat s'est effondré comme ces bâtisses que vous voyez», déclare Youcef Azzoug un sinistré de la cité.
Azzoug indique un immeuble de la cité resté debout, mais dont la structure a été endommagée. «Les locataires ont intenté une action en justice contre l'Opgi de Réghaïa en 1993. Ils ont eu gain de cause à Tizi Ouzou et à la Cour suprême, mais il n'a jamais été évacué. Nous avons des documents et l'expertise qui a estimé le confortement de l'immeuble, en 1994, à 200 millions.» La ville de Bordj Menaiel aurait été déclarée zone sinistrée quatre jours après le séisme. «C'est ce qui a retardé la venue de citoyens donateurs», a fait remarquer Hamid un miraculé. A Zemmouri, la même grogne a été constatée chez des sinistrés qui n'ont reçu des tentes que quatre jours après la catastrophe. Trois centres de transit ont été réservés aux sinistrés. Au stade municipal, une centaine de tentes abritent 108 familles, à Sider, 108 sont réservées à quelque 1200 personnes, une trentaine d'autres ont été installées au marché en attendant l'ouverture de trois autres centres. Cependant, le problème de l'exiguïté est à chaque soulevé par les sinistrés. «On se retrouve à trois familles sous une seule tente en attendant nos blessés qui vont prochainement sortir des hôpitaux», s'est plaint un père de famille qui dit passer la nuit dans son fourgon. Au stade municipal, des équipes de soutien psychologique sont à pied d'oeuvre. «Les sinistrés n'ont pas besoin de médicalisation pour le moment, en revanche ce qu'il y a lieu de faire dans l'immédiat c'est d'informer les gens qu'ils risquent des traumatismes post- catastrophe, c'est-à-dire qui peuvent survenir des mois après ce drame, d'où la nécessité de maintenir le réseau de soutien dans la durée», a fait savoir le docteur Nedjari, psychiatre à la cellule médico-psychologique de Bordj El-Kiffan.


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