L'Afrique est de nouveau inscrite dans la priorité des huit pays les plus riches de la planète. Grand absent du sommet d'Abuja des pays africains animateurs du Nepad dont il est d'ailleurs l'un des initiateurs, le Président Bouteflika, a confirmé en revanche, au président français, Jacques Chirac, sa participation au sommet du G8 que la France abritera du 1er au 3 juin à Evian. Le séisme meurtrier qui a frappé l'Algérie, il y a plus d'une semaine, ses conséquences sur la population, ses multiples répliques qui entretiennent un climat de terreur dans le pays et l'organisation au plus haut niveau des secours d'urgence aux rescapés et sinistrés ont fait que le chef de l'Etat n'a pas pris part à la réunion au sommet de la capitale nigériane des six chefs d'Etat et des représentants des 14 autres pays africains. Ces derniers, qui étaient réunis pour débattre de deux thèmes essentiels: le développement du continent africain, et accessoirement, la préparation du dialogue des pays africains avec ceux du G8 (les riches pays industrialisés ) et la sécurité régionale, avaient, parmi eux, M.Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la nation qui a représenté l'Algérie aux travaux de cette rencontre. En tant qu'un des artisans de la nouvelle formule de partenariat pour le développement de l'Afrique, plus connue sous le vocable Nepad, le Président Bouteflika prendra part à la «réunion du dialogue élargi» qui réunira les pays du G8 (France, Allemagne, Canada, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) et une douzaine de pays émergents, plus la Suisse, très associée dans la préparation et l'organisation de ce sommet, et à une autre séance de travail des huit et des dirigeants des cinq pays africains (Afrique du Sud, Algérie, Egypte, Nigeria, Sénégal) du Nepad en présence du secrétaire général de l'ONU M.Kofi Annan. Enfin, le chef de l'Etat algérien s'adressera mardi, lors d'une séance solennelle aux députés européens réunis en session plénière à Strasbourg selon le programme officiel du Parlement européen communiqué hier. Pour revenir au contenu de ce premier sommet du G8 après la guerre américaine en Irak, qui faillit chambouler toutes les rencontres internationales de ce genre, il faut dire que, dès à présent, et de la voix de la porte-parole de la présidence française Catherine Colonna, l'Afrique est décrétée comme devant être une priorité des pays développés du G8. «Pour la France, pour la présidence, l'Afrique doit rester une priorité de l'action des pays développés», a dit Mme Colonna en ajoutant: «Certains le contestent ou hésitent, ils ont tort.» Elle relève ainsi que «l'Afrique court le risque de la marginalisation, c'est le seul (continent) qui régresse dans les échanges, où la pauvreté progresse, alors que globalement la richesse du monde s'accroît. C'est donc une situation particulière qui requiert une réponse particulière». Elle a toutefois prévenu qu'il ne fallait pas s'attendre à des décisions spectaculaires, soulignant que le Nepad était «un processus» et non «une recette miracle». Il faut rappeler à cet égard que dans le cadre de ce processus, le continent africain entend attirer davantage d'aide, un allègement de sa dette extérieure et un accès plus significatif aux marchés mondiaux en contrepartie d'une meilleure gouvernance, de pratiques plus démocratiques et d'un mécanisme de contrôle de la mise en pratique de ces engagements. Il s'agit donc d'une intégration concertée d'un continent oublié dans l'économie internationale. D'ailleurs, lors du dernier sommet du G8 à Kananaskis au Canada, les dirigeants occidentaux avaient accepté ce deal d'accorder un soutien financier au Népad pour des réformes économiques, la lutte contre la corruption et le développement de la démocratie. Mais l'Afrique, comme l'a noté la porte-parole de la présidence française, ne cesse d'être marginalisée dans l'économie mondiale et la mondialisation ( 3,3 % des échanges mondiaux en 1986 et seulement 1,6 % en 2000). C'est dire que si cette «dérive» se poursuit, tout un continent sera fatalement et définitivement condamné à être hors des circuits internationaux de production de la richesse, et donc le lieu d'une pauvreté tout le temps renouvelée.