Maintes spéculations sont faites autour de la prochaine rencontre Bush-Abbas-Sharon. Le président américain Bush mobilisera l'attention durant les jours à venir en tenant le rôle central au sommet du G8 (qui s'ouvre demain à Evian en France) et à ceux prévus le 3 juin à Charm-el-Cheikh, en Egypte, avec des chefs d'Etat arabes «modérés» et le 4 juin à Aqaba, en Jordanie, où il rencontrera le roi Abdallah II et les Premiers ministres palestinien, Mahmoud Abbas et israélien, Ariel Sharon. Pour cette minitournée à l'étranger depuis la guerre en Irak et la chute du régime de Saddam Hussein, George W.Bush se présente à l'évidence comme le maître du jeu. Un jeu conçu à sa mesure et, singulièrement, à ses normes. Ainsi, alors même que l'on se plaît à dire que la «feuille de route» - mise au point par le Quartette (USA, ONU, UE et Russie) - est un plan de paix international pour le Proche-Orient, il s'avère, dans les faits, que celui-ci est surtout du domaine réservé des Etats-Unis, les seuls, semble-t-il, à même de donner le tempo de la marche de la «feuille de route». De fait, dans une déclaration où il est revenu sur les thèmes qui seront abordés lors du Sommet du G8, le président Bush n'a pas évoqué le Proche-Orient, indiquant en revanche: «Nous parlerons du sida, du commerce et de la lutte contre la famine. Mais surtout de notre combat contre les terroristes qui veulent soumettre le monde libre à leur chantage et nous faire vivre dans la peur.» Plus que jamais maîtres d'oeuvre du processus de paix au Proche-Orient, les Etats-Unis n'entendent pas voir interférer, sur leur vision de la paix dans cette région, et quoique enrobée dans les dimensions de l'internationalisme, la «feuille de route» demeure en fait du seul ressort des Américains, et plus sûrement des Israéliens qui en orientent la mise en oeuvre. Les Etats-Unis, qui exigent des Palestiniens la cessation de la violence, ne font rien en revanche en direction d'Israël en lui demandant l'arrêt de la violence de l'armée israélienne et ses incursions en territoires palestiniens, de même que le gel de la colonisation. Dès lors, il est légitime de se demander quels sont finalement les objectifs de la «feuille de route» : créer les conditions adéquates pour l'édification, d'ici à 2005, d'un Etat palestinien viable et fiable sur l'ensemble des territoires occupés en 1967, avec El-Qods-Est comme capitale, ou, nonobstant les déclarations ici et là, ce plan ne serait qu'une manière d'assurer à l'Etat hébreu la sécurité, sans qu'il ait pour autant à répondre à l'impératif de paix qui implique la cohabitation entre deux Etats, Israël et Palestine, seule finalité apte à assurer la sécurité que réclament les Israéliens. Comme pour rappeler que la paix ne peut se faire que selon les impératifs d'Israël, le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, a clamé, quelques heures avant sa rencontre avec son homologue palestinien, Mahmoud Abbas: «Nous ne renoncerons jamais à Jérusalem! Jamais !» Cette affirmation de Sharon a suscité une mise au point de la part du conseiller du président Arafat, Nabil Abou Roudéina, qui a affirmé: «Jérusalem, qui a été occupée (par Israël) en 1967, est la clef de la paix dans la région. Sans Jérusalem comme capitale d'un Etat palestinien, il n'y aura pas de paix», soulignant que «toute déclaration israélienne contraire à cela n'aidera pas la paix». Autrement dit, la paix est toujours conditionnée par le fondamental «échange de la terre contre la paix». Ce que les Israéliens ne semblent pas vouloir comprendre donnant l'impression d'exiger la paix sans céder la terre palestinienne où ils multiplient les implantations de colonies juives en Cisjordanie et à Gaza, rendant même illusoire la création d'un Etat palestinien dans un territoire morcelé à l'extrême. Car il est évident que les Palestiniens n'accepteront jamais de cautionner un Etat croupion.