Dans ce nouveau processus de dialogue, les deux parties sont appelées à faire des concessions pour maintenir ses chances de survie intactes. L'Algérie n'a jamais été aussi proche de la solution de la crise de Kabylie. Les ârchs de Béjaïa et de Bouira ont répondu en termes favorables à l'offre de dialogue du Chef du gouvernement. En effet, les conditions posées par les animateurs ne semblent pas du tout impossibles à réaliser et le sacro-saint principe «scellé et non négociable» de la plate-forme d'El-Kseur n'est plus à l'ordre du jour, au même titre que la revendication qui évoque un communiqué de la présidence de la République acceptant sans conditions aucune les 15 points de la fameuse plate-forme. Quant à Tizi Ouzou, dont le conclave n'a démarré qu'hier, en début de soirée, des échos parvenant de la Cadc disent qu'il est fort probable qu'elle s'aligne sur la position de Béjaïa (lire en page 2 l'article de A. Slimani). Aussi, est-on en droit de penser que les ârchs reviennent à de bien meilleurs sentiments vis-à-vis du pouvoir. Cette attitude est interprétée par de nombreux observateurs comme incontournable, au sens que la seule voie qui reste au mouvement citoyen de revenir sur le devant de la scène, est de s'engager sur le chemin du dialogue aux fins d'obtenir la libération des détenus et le droit d'organiser des manifestations pacifiques, ce qui peut passer pour une victoire après plusieurs mois d'un statu quo qui a sérieusement entamé la crédibilité des ârchs auprès de l'opinion locale. Ce sont là les raisons essentielles qui ont amené le mouvement citoyen à être moins regardant sur le caractère «scellé et non négociable» de la plate-forme d'El-Kseur. Le jusqu'au-boutisme adopté par les animateurs a eu, à la longue, des conséquences négatives sur la Kabylie. En effet, la région a vécu une marginalisation, tant économique que politique, ce qui a joué contre son développement dans tous les domaines. D'ailleurs, les citoyens qui n'en finissent pas de voir des conclaves se suivre et se ressembler, se sont détournés du discours prôné par les délégués et doutent de leur capacité réelle à sortir la Kabylie d'un marasme qui dure depuis plus de deux ans. Aussi, cette tendance à vouloir arrondir les angles est-elle une sorte de réponse à une opinion publique qui commençait à critiquer l'immobilisme des ârchs. De son côté le pouvoir, dont c'est le énième appel au dialogue semble montrer une grande disponibilité à régler une bonne fois pour toutes cette crise. Le premier constat de cette nouvelle initiative du gouvernement est que le pouvoir semble parler d'une seule voix, celle de Ahmed Ouyahia. Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, autre protagoniste de la crise, est, de facto, mis en marge, pour la simple raison que la gestion de l'après-séisme occupe tout son temps. L'on peut dire que toutes les conditions objectives sont réunies pour régler la crise, d'autant que le temps presse en ce qui concerne le pouvoir, obligé de solutionner le problème au plus tôt, sous peine de subir une rentrée sociale mouvementée à quelques mois seulement de la prochaine échéance électorale. Le Chef du gouvernement est tenu de «montrer patte blanche» aux ârchs et, partant, aller vers des concessions, notamment la libération des détenus et la fin des poursuites judiciaires avant l'ouverture du dialogue. Une démarche qui n'est pas sans risque, sachant que «l'horizontalité» du mouvement citoyen peut jouer des tours aux tenants du dialogue à n'importe quel moment. C'est à dire que l'aile radicale des ârchs peut très bien reprendre l'initiative et faire échec au travail de rapprochement et ce, après satisfaction des préalables posés par les animateurs du mouvement. Cela dit, la proximité temporelle de la prochaine présidentielle ne laisse aucun choix à Ouyahia qui se voit obligé de jouer le tout pour le tout. En fait, dans ce nouveau processus de dialogue, les deux parties sont appelées à faire des concessions pour maintenir leurs chances de survie intactes. Les citoyens de Kabylie, de leur côté, attendent beaucoup de cette initiative et constituent directement ou indirectement le seul arbitre de cette nouvelle confrontation politique entre le pouvoir et le mouvement citoyen.