La gravité de la situation se mesure à l'aune de la dureté des propos contenus dans le communiqué d'hier, signé par Ali Benflis lui-même. Le secrétaire général du FLN en personne est descendu dans l'arène, hier, pour présider une réunion extraordinaire de son bureau politique avec un seul point à l'ordre du jour: «Les graves agressions dont sont victimes certains cadres et militants de ce parti.» Explication, le communiqué n'y va pas par quatre chemins pour préciser que «(...) des individus n'ayant aucun lien avec le parti ont vainement tenté d'occuper les locaux abritant les mouhafadate dans les wilayas de Mostaganem, Biskra, Blida et Naâma». Il ne fait pas de doute, au regard de la simultanéité et de la ressemblance de ces actes, qu'ils doivent avoir un seul et même commanditaire. Le communiqué, d'une rare virulence, s'adressant à des gens qu'il semble connaître, mais qu'il se refuse à nommer, ne cesse pas de le souligner de la manière la plus évidente qui soit. «Ces actes relèvent de la pratique mafieuse et sont le fait de délinquants, inspirés, commandités, encouragés et se prévalant de la complicité de certains cercles de l'appareil de l'Etat». Sans préciser si la justice sera saisie ou pas à cause de ces graves affaires qui, en fait, auraient été commises par des militants contestant l'actuelle démarche de la direction du parti, le bureau politique de ce dernier n'en interpelle pas moins les pouvoirs publics afin d'assurer «pleinement la sécurité des personnes et des biens». Le communiqué, en ce sens, n'hésite pas à évoquer ce qu'il appelle «les conséquences incalculables qui peuvent résulter de ces comportements irresponsables». Le FLN, qui mesure sans doute l'ampleur de la crise qui le menace, mais aussi la gravité de la situation actuelle alors que de nombreux mois nous séparent de la présidentielle et que des actes encore plus «osés» risquent d'être encore commis, tente d'en appeler à la solidarité de tous les mouvements organisés dans ce pays, en interpellant publiquement «l'ensemble des forces politiques et sociales qui oeuvrent à l'approfondissement de la pratique démocratique et au renforcement du pluralisme politique dans notre pays». Cette affaire, appelée donc à connaître pas mal de rebondissements dans les prochains jours, pourrait être émaillée de communiqués de soutien de la part de nombreux leaders politiques et, même, de la part du secrétaire général de l'Ugta, Abdelmadjid Sidi Saïd qui, ne l'oublions pas, avait clairement affiché sa sympathie pour l'ancien Chef du gouvernement et actuel homme fort du FLN. La direction nationale du FLN, toujours sans les nommer, désigne avec une précision d'horloger, ceux qu'elle pense être les artisans de ces agressions: «Le bureau politique considère que ces actes désespérés sont à rechercher dans les desseins inavoués et les vains calculs de ceux qui voient leur démarche contrariée par le processus de renouveau et de modernisation du FLN, un parti souverain dans ses décisions et maître de son destin.» Ce communiqué, qui annonce clairement l'ouverture des hostilités avec les risques de renouvellement d'un scénario plus ou moins proche du coup d'Etat scientifique qui avait renversé Mehri en 95 au profit de Benhamouda, fait montre d'une assurance sans faille et se permet même de mettre en garde ceux qu'il pense être les commanditaires des graves turbulences qui attentent au parti présentement: «Cette machination constitue (...) une grossière erreur politique et une faute de jugement de la part de ces commanditaires qui n'ont, à l'évidence, pas mesuré l'ampleur des conséquences néfastes d'une telle démarche (alors que le FLN va vers) la concrétisation de ses principes, de ses idéaux, de ses valeurs et des décisions du 8e congrès.» Le communiqué, qui trahit une certaine panique de la part de ses auteurs qui ne s'attendaient peut-être pas à une pareille évolution de la situation, réitère sa confiance en ses structures avant de prendre à témoin l'opinion publique «de la gravité d'une telle situation». Ces très graves faits interviennent après une première crise apparue entre Benflis et certains hauts cadres de son parti en signe de contestation de certaines décisions prises par le huitième congrès du FLN. Des manoeuvres en coulisses, très intenses, apprend-on, auraient même commencé dans le but manifeste de déstabiliser le secrétaire général du FLN et de tenter de trouver le moyen de le destituer, probablement à l'occasion de son congrès extraordinaire, nous disent des sources proches du parti, ayant requis l'anonymat. Pour rappel, un précédent incident, également très grave, avait eu lieu précisément à Mostaganem lorsque le secrétaire général du FLN, Ali Benflis, avait été empêché d'animer un meeting par des gens venus perturber la manifestation en utilisant la force et en manquant de saccager la salle n'était l'intervention des forces de sécurité. De nombreux élus et responsables de ce parti, indiquent des sources concordantes et recoupées, sont les victimes de harcèlements divers de la part de certains représentants des autorités locales. Ces «dérives» ont commencé, elles aussi, à la suite du huitième congrès du FLN et ont pris des proportions plus importantes depuis que Ali Benflis n'est plus à la tête du gouvernement et n'a donc pas les moyens moraux et physiques de protéger efficacement l'ensemble de ses partisans. Les hostilités, qui viennent de commencer, promettent d'époustouflants rebondissements dans les jours à venir...