Nouakchott a vécu quarante-huit longues heures d'incertitude induites par la tentative de coup d'Etat. Hier en fin d'après-midi la tentative de coup d'Etat avait définitivement échoué, après près de deux jours de combats acharnés à l'issue desquels le dernier mot est revenu aux forces loyalistes qui ont balayé les derniers réduits des «poches» de résistances. C'est le président mauritanien, disparu durant ces deux derniers jours, qui annonça lui-même, dans une brève intervention à la radio et à la télévision, l'échec de la tentative de coup d'Etat, qu'il impute à des «officiers de l'armée nationale», sans autres précisions. M.Ould Taya a cependant estimé que l'armée mauritanienne «était capable de faire face aux situations les plus difficiles». Avant cette annonce, les spéculations allaient bon train, d'autant plus que la capitale était plongée dans le chaos accentué par les pillages et les émeutes dans divers quartiers de la ville. Si effectivement le putsch a échoué, il reste toutefois que peu d'indications étaient disponibles sur les tenants de ce putsch raté contre le président Maâouiya Ould Sid Ahmed Taya. Alors que les autorités mauritaniennes avaient annoncé dimanche, en soirée, la fin des troubles, il n'en demeurait pas moins qu'hier, dans la matinée, on se battait encore dans les rues et autour des bâtiments publics, telle la radio, au moment où des scènes de pillage étaient signalées un peu partout dans la ville. En fait, de nombreuses institutions publiques, notamment la radio et la télévision, ont été pillées, ce qui explique sans doute le silence des médias mauritaniens, qui n'ont repris qu'hier leurs émissions, en fin d'après-midi, avec l'intervention à l'antenne du chef de l'Etat. Le putsch a certes échoué, demeurent cependant le pourquoi de cette tentative et l'identité de ses commanditaires supposés. Lors de toute la durée des événements, qui ont marqué la capitale mauritanienne, Nouakchott, ces dernières 48 heures le ou les, commanditaire (s) de la tentative de coup d'Etat ne se sont pas fait connaître, gardant le silence sur leur identité. Si ce n'est l'indication donnée par l'agence marocaine de presse, MAP, qui croit savoir que c'est un officier supérieur, radié l'an dernier des rangs de l'armée, le colonel Salah Ould Hnana, qui serait derrière la mutinerie des soldats. Ce qui, jusqu'au moment où nous rédigeons ces lignes, n'a été ni confirmé ni in-firmé de source officielles mauritaniennes, lesquelles, pour le moment, gardent le mutisme sur les tenants et aboutissants du putsch, confirmant cependant la mort du chef d'état-major de l'armée nationale, Mohamed Lamine Ould N'Diayane, laquelle mort a été annoncée, dès dimanche, par des agences de presse. Relevons aussi qu'aucun bilan des victimes des deux jours de combat n'a été rendu public alors même que les hôpitaux de Nouakchott signalent avoir soigné de nombreux blessés parmi les militaires et les civils. Beaucoup de non-dits dans cette tentative de putsch qui remet en avant-scène un pays qui s'est mis de lui-même quelque peu en retrait du monde arabe en normalisant et en établissant des relations diplomatiques avec Israël en 1999. Hormis la rumeur et les diverses spéculations, rien en fait n'apparaît clairement dans ce qui s'est passé ces deux derniers jours en Mauritanie. Un réveil tardif d'un nationalisme mauritanien ombrageux après la normalisation avec Israël? Un peu court comme explication d'autant plus que, quoique le peuple mauritanien ait mal pris la chose, cela fait tout de même quatre ans depuis la normalisation avec l'Etat hébreu. La piste baâthiste, comme le suggère la chaîne qatarie Al Jazira, est également peu probable et reste sujette à caution, même si le colonel Salah Ould Hnana, présumé auteur du putsch, est réputé proche des cellules baâthistes irakiennes très actives à Nouakchott. Reste la piste des islamistes qui se sont signalés ces dernières semaines par un activisme inusité. De fait, au début du mois de mai, la police mauritanienne avait même procédé à l'arrestation d'une dizaine de sympathisants islamistes sous l'accusation «d'intentions terroristes et d'affiliation à des mouvements intégristes internationaux». Mais les indices sont peu probants pour affirmer que les islamistes seraient les commanditaires du coup. Faut-il croire, comme le suggère le représentant d'un parti d'opposition, qu'il s'est agi là d'une affaire interne à l'armée? Au vu du peu d'éléments qui accréditent l'un ou l'autre de ces indices, toutes les pistes mènent en fait à une impasse et la tentative de putsch de Nouakchott reste inexpliquée. Le calme était revenu hier en fin de journée et sans doute que les choses vont se décanter et que l'on en saura un peu plus dans les prochains jours, même si les autorités mauritaniennes n'avaient, hier, livré aucune indication permettant de comprendre les événement de ces 48 dernières heures à Nouakchott.