Des éléments de la Garde républicaine ont fomenté hier un putsch dans une tentative de renverser le président Ould Sid Ahmed Taya. Un conseil militaire «a pris le pouvoir en Mauritanie» ont annoncé hier en fin de journée les auteurs du coup de force à Nouakchott. Jusqu'à cette annonce, il a été impossible de savoir ce qui se passait hier dans la capitale mauritanienne. Dans leur communiqué, diffusé par l'agence officielle mauritanienne (AMI), les auteurs du putsch -en cours à Nouakchott depuis hier- ont annoncé qu'un conseil militaire avait pris le pouvoir en Mauritanie. Dans leur déclaration les putschistes indiquaient que «les Forces armées et de sécurité ont unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime dont notre peuple a tant souffert ces dernières années». «Ces pratiques ont engendré une dérive dangereuse pour l'avenir du pays. A cet effet, les forces armées et de sécurité ont décidé la mise en place d'un Conseil militaire pour la justice et la démocratie», déclarent les auteurs du communiqué. Ces derniers s'engagent à «créer les conditions favorables d'un jeu démocratique ouvert et transparent sur lequel la société civile et les acteurs politiques auront à se prononcer librement». Ce communiqué émanant d'un groupe qui s'intitule «Conseil militaire pour la justice et la démocratie» éclaire certes sur la nouvelle donne à Nouakchott, mais n'indique pas, en revanche, si le coup de force a réussi. Or, selon des témoins, on se battait toujours, -plusieurs heures après le début du putsch, à 5 heures du matin (même heure GMT)- à l'arme lourde dans les parages de la présidence. Selon les premières indications, la Garde républicaine serait derrière la tentative de coup d'Etat en vue de renverser le président Mouawiya Ould Sid Ahmed Taya. La radio et la télévision de même que les principales places stratégiques de la capitale étaient hier aux mains des insurgés selon des témoins sur place. Ce coup de force intervient au moment où le président Ould Sid Ahmed Taya est absent de Mauritanie. M.Ould Sid Ahmed Taya se trouvait depuis lundi en Arabie Saoudite où il assiste aux funérailles du roi Fahd Ben Abdelaziz. A l'exception du communiqué cité plus haut, tombé sur les fils des agences en fin de journée d'hier, peu d'informations étaient disponibles sur les tenants de cette nouvelle tentative de renverser le pouvoir en place. Tentative qui vient après celle de juin 2003 qui échoua, après 36 heures de combats, grâce à la résistance des militaires restés loyaux au président. Cette tentative avait été suivie par de nombreux limogeages et changements au sein du pouvoir, le président réorganisant en profondeur l'administration et l'armée, révoquant les uns déplaçant les autres. Cette lobotomie exercée dans les services (renseignements) dans la police et dans l'armée est restée sans effet puisque quelque quatorze mois plus tard un nouveau coup est tenté en août 2004. Cette tentative, comme celle de 2003 a été vaine, les auteurs du putsch essuyant un nouveau revers sont mis en échec par les forces demeurées loyales à Ould Sid Ahmed Taya. Cette récurrence des coups de force militaires met en exergue la fragilité d'un pouvoir en déficit de popularité qui tente, depuis quelques années, de s'assurer une légitimité et de se donner une façade démocratique. Mouawiya Ould Sid Ahmed Taya, -arrivé à la tête de l'Etat à la suite d'un coup d'Etat en décembre 1984 qui déposa le président Khouna Ould Haidallah-, règne sans partage depuis 20 ans sur le pays. Il a été contraint, toutefois, ces dernières années à jeter du lest notamment face à la montée en puissance des mouvements islamistes et de l'opposition démocratique et de la société civile. Des forces avec lesquelles le président mauritanien devait compter même si, parallèlement, une répression féroce et des arrestations massives dans les milieux islamistes et de l'opposition sont opérées cycliquement. Les nombreux procès organisés à Nouakchott depuis deux ans en témoignent largement. De fait, la crise était latente et la Mauritanie était mûre pour d'autres coups de force. Le troisième putsch en deux ans, celui d'hier, serait-il le bon ? Il est cependant trop tôt pour dire ce qu'il en est d'autant plus que les informations restent parcimonieuses et peu d'indications sont parvenues de Nouakchott au moment où nous rédigeons ces lignes. Aucun autre communiqué -des putschistes, ou du gouvernement de Nouakchott-, n'est venu éclairer sur les tenants de ce nouveau coup de force, et la profession de foi du «Conseil militaire» qui «aurait» pris le pouvoir à Nouakchott est par trop convenue et n'apporte aucune réponse au pourquoi de cette tentative de coup d'Etat. De fait, tous les putschs ont eu pour finalité «d'améliorer» le sort des peuples avec la suite que l'on sait. C'est exactement ce que disait le colonel Ould Sid Ahmed Taya quand il chassa du pouvoir en décembre 1984 Khouna Ould Haidallah qui lui-même déposa en 1980 le président Mokhtar Ould Daddah. Selon des informations en provenance de Niamey, le président mauritanien Mouawiya Ould Sid Ahmed Taya est arrivé hier dans la capitale nigérienne, au moment où une tentative de coup d'Etat était en cours à Nouakchott a indiqué un proche collaborateur du président nigérien Mamadou Tandja. Selon ces sources, le président Tandja a mis à la disposition du président Ould Sid Ahmed Taya une villa proche de la présidence. Dans le contexte des événements qui se déroulent à Nouakchott, il y a comme un arrière-fond d'inquiétude dans les capitales maghrébines qui observaient hier un éloquent mutisme sur cet énième coup de force en Mauritanie. Si aucun commentaire n'a été fait tant à Alger, Tunis, Rabat qu'à Tripoli, l'on suit en revanche avec attention la suite que réserve à la région cette tentative de prise de pouvoir par la force.