Le poids du n° 2 de l'ex-FIS se mesure à l'attention très particulière dont les autorités algériennes l'entourent. Quelques jours après la libération d'Abrika, les autorités algériennes s'apprêtent à rendre sa liberté à Ali Benhadj, membre fondateur du FIS et figure emblématique de la mouvance islamiste radicale en Algérie depuis près de vingt ans. Cette libération, attendue par les uns, appréhendée par les autres, va certainement remodeler, peu ou prou, les données politiques du terrain et contraindre certains groupes à agir en conséquence. Evidemment, pour le cas de Ali Benhadj, tout reste lié aux restrictions auxquelles il sera soumis, car il est impensable que les autorités tolèrent l'activisme islamiste de celui qui reste la dernière carte du parti dissous. En refusant les offres d'un «exil doré» qui lui ont été faites à diverses reprises et proposées même par des dignitaires saoudiens, il décline en même temps de se retirer de la vie publique théologico-religieuse et réitère sa volonté de continuer le combat, même seul (la plupart des leaders de l'ex-FIS sont soit morts, soit exilés, soit retirés des circuits politiques). Déjà, l'artillerie anti-islamiste est mise sur les rails. Le discours du Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, qui est en même temps le secrétaire-général du RND (parti lancé en pleine lutte antiterroriste et qui a fait de la «guerre contre le terroriste» son credo), s'articule autour de cet impératif sécuritaire et tout le monde aura remarqué que l'option de la réconciliation nationale, tout autant que la concorde civile, après avoir fait du surplace, entame un ostentatoire retour en arrière. On se souvient du communiqué des dix personnalités politiques qui ont lancé un appel, quelques jours seulement, avant le tremblement de terre du 21 mai pour la libération des deux leaders de l'ex-FIS, Abassi Madani et Ali Benhadj, dont la peine de douze années d'emprisonnement arrive à terme. Les signataires de la motion, personnalités politiques aussi sérieuses que Abdelhamid Mehri, Ahmed Taleb Ibrahimi, Mahfoud Nahnah, Abdallah Djaballah, Fatah Rebiî, Lahbib Adami, Ahmed Ben Bella, pour ne citer que celles-là, ont eu droit quelques jours seulement après à une critique acide de la part de Ouyahia, et qui tient lieu et place d'une sévère mise en garde lancée à l'endroit des signataires. Aujourd'hui, pourtant, rien ne justifie cette fixation. Rien, absolument rien, tant le contexte politique de l'année 2003 ne ressemble en rien à celui qui a permis la montée en puissance de l'islamisme radical en Algérie dès 1989. Au contraire, le s menées par les groupes armés contre les populations, le recul de l'influence du discours radical et les implications induites au plan international par les événements du 11 septembre 2001, ont élaboré, au niveau national, un «maillage naturel» d'où il sera difficile, très difficile, à l'islamisme radical de passer. Le dilemme qui se pose aujourd'hui au pouvoir est le suivant: démontrer réellement qu'il agit dans une démocratie, c'est-à-dire en respectant les procédures pénales et les droits fondamentaux des citoyens, tout en faisant en sorte de surveiller une (re)montée du discours radical et, influent comme le lait sur le feu. Et pour l'instant, ce péril s'appelle Ali Benhadj. Le recul des partis politiques islamistes institutionnels, tels le MSP, le MRN et Ennahda, le déclin de ses figures de proue (Abassi Madani et Mahfoud Nahnah septuagénaires, et l'immobilisme chronique de la classe politique dite «démocrate» (entendre, en Algérie, «anti-islamiste») peuvent, à coup sûr, être bénéfiques à un Benhadj, volubile et actif à souhait. Le pouvoir aura donc à gérer deux nouvelles donnes: le dialogue avec les ârchs, avec tout le lot de concessions à faire, et même d'amener le débat vers l'apaisement, et la sortie de Ali Benhadj, dont le poids et l'influence se mesurent déjà à l'attention très particulière dont les autorités algériennes l'entourent.