Après six années d'attente, la France va obtenir l'extradition définitive de Rachid Ramda, alias Abou Farès, considéré par les renseignements français comme le «cerveau» et «le financier» des attentats islamistes à Paris en 1995 et 1996. Détenu en Grande-Bretagne depuis novembre 1995, date de son arrestation, l'Algérien Rachid Ramda qui est également accusé d'être le correspondant de l'ancien émir national du GIA, Djamel Zitouni, à Londres, a réussi à faire retarder l'échéance de son extradition vers la France. Après des procédures interminables, Abou Farès, qui fait l'objet de quatre mandats d'arrêt internationaux délivrés par le juge antiterroriste français, Jean-Louis Bruguière, sera prochainement jugé à Paris après avoir été condamné par contumace. Cette extradition fait suite aux chassés-croisés entre différents pays occidentaux et même arabes. Paris avait réussi à obtenir celle de Jamel Beghal, un lieutenant de nationalité française d'Oussama Ben Laden depuis les Emirats arabes unis. L'Egypte va obtenir celles de neuf islamistes de la Jamaâ islamya depuis le Pakistan, la Bosnie et la Turquie. Les Etats-Unis vont également obtenir le transfert de Abou Doha et Lotfi Raïssi, deux islamistes algériens détenus par Londres. Ces divers transferts, qui étaient gelés depuis des années, semblent obéir à la nouvelle stratégie de coopération internationale dictée par Washington à ses alliés. Pour Paris, cette extradition est plus que symbolique. Dans l'affaire de la campagne terroriste parisienne de 1995, la case de Ramda demeurait vide. Selon l'enquête, c'est lui qui a transféré des fonds depuis une banque londonienne aux commandos islamistes du GIA en France sous les ordres de Boualem Bensaïd et Ali Touchent qui ont fait exploser des bombes dans le RER Saint-Michel, au métro Maison-Blanche et à la rame de la station d'Orsay faisant 10 morts et 200 blessés. Les empreintes de Ramda ont été retrouvées sur un bordereau d'envoi d'un virement bancaire. La police française détient également des enregistrements téléphoniques entre Abou Farès et Boualem Bensaïd. Si Boualem Bensaïd a été arrêté et jugé en France et Ali Touchent abattu à Alger, les Français voulaient à tout prix Rachid Ramda à tel point qu'une crise diplomatique larvée avait opposé Londres à Paris sur le cas d'Abou Farès. Ce dernier profitant du droit de réfugié politique accordé par les Britanniques avait usé, à travers ses avocats, de tous les subterfuges juridiques pour retarder son extradition. Ayant pignon sur rue et participant activement au lancement du bulletin Al Ansar du GIA avec Abou Hamza Al-Misri, Ramda devra répondre à plusieurs chefs d'inculpation qui peuvent lui valoir la perpétuité. Ramda a été jugé pour la première fois en 1993 à Alger, par contumace, et condamné à 20 années de prison ferme. Il est soupçonné d'avoir participé à l'attentat de l'aéroport d'Alger en août 1992 qui avait fait 9 morts et 123 blessés. A ce titre, Alger pourrait éventuellement demander son extradition pour jugement, mais ce ne serait pas le seul cas en présence. Depuis les attentats du 11 septembre, une accélération des procédures judiciaires a été constatée à travers les différents pays d'Europe qui détiennent en prison ou abritent sur leur sol des islamistes recherchés par leurs gouvernements respectifs notamment arabes. Cette dynamique est mise à profit par certains Etats arabes, principalement l'Egypte, qui est très active sur le plan judiciaire puisque les dossiers d'une dizaine d'«extradables» sont ficelés. Les Européens eux-mêmes sont en train d'étudier une charte commune avant fin 2001 pour l'extradition des terroristes. Reste que, jusqu'à maintenant, Alger qui a fait cas de son intention de demander l'extradition de certains commanditaires du terrorisme, n'a pas encore déposé officiellement de demandes en ce sens.