Quel statut politique pour les deux leaders du FIS? La question soulève déjà les polémiques les plus vives. A quelques jours de sa libération, qui interviendra le 2 juillet, Ali Benhadj peut espérer bénéficier de tous ses droits civiques. Le statut politique du n°2 de l'ex-FIS est devenu au fil des jours la hantise des tenants du néo-sécuritaire, à un moment où la ferveur islamiste connaît un regain d'intérêt de la part de la population. «Le droit à la libre-expression et à l'opinion politique, à la libre-circulation dans son pays et à tous ses droits doivent être garantis à Benhadj», précise Ali Yahia Abdennour, président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme, qui ajoute: «Sur le plan juridique, la condamnation de Ali Benhadj à 12 ans de prison a l'autorité de la chose jugée.» En d'autres termes, il n'y a pas de quoi polémiquer là-dessus, ni de quoi soulever un débat qui ne mène à rien. Même constat pour Abassi Madani qui est «en résidence surveillée illégale depuis six ans» et dont la libération «est de droit». Sur le plan juridique, le problème ne se pose pas avec acuité, mais au plan politique il faut que les autorités jouent à fond le jeu de la transparence et de la démocratie. Car même si elles ne sont pas très disposées à le faire, elles doivent, toutefois, souscrire au respect des droits fondamentaux des citoyens. Lors de son récent voyage à Strasbourg, il y a deux semaines, le Président algérien Abdelaziz Bouteflika a été soumis à une énorme pression pour, justement, emmener les autorités à respecter le droit, et uniquement le droit. Acteur à la double casquette théologique et politique, agissant à la lisière de l'un et de l'autre de ces deux champs, Benhadj rend difficile tout étiquetage, dans le même temps qu'il met les autorités dans la gêne, s'il lui «reprend» de haranguer les foules. C'est, justement cette capacité de canaliser les énergies de la jeunesse urbaine pauvre qui met les autorités dans une position inconfortable, d'autant plus qu'il est à ce jour, tenu plus que Abassi Madani, pour responsable des graves dérives qui ont ensanglanté le pays pendant, avant et après l'arrêt du processus électoral. En termes clairs, Benhadj sera le centre d'intérêt des services de sécurité. Il aura certainement son «round d'observation» durant lequel, les gourous du néo-sécuritaire vont le jauger, le juger, apprécier ses capacités, douze ans après son incarcération, et finalement, dresser un «portrait actualisé» de l'homme. Les risques que peut générer Benhadj seront aussi jugés par rapport à ses liens avec la politique et le quotidien social des gens. Car si pour Abassi Madani le risque ne se présente plus (le septuagénaire a émis le voeu de quitter le pays, pour se soigner à l'étranger, sitôt qu'il sera remis en liberté), Benhadj, qui entend bien rester en Algérie et s'occuper de ses «affaires courantes» (sic), reste un énorme point d'interrogation qui agit douloureusement sur les esprits, sur les structures rattachées à l'Etat et qui appréhendent dans le silence (ou la concertation?) la prochaine libération du cofondateur de l'ex-FIS. Il y a aussi fort à parier que les courants dits «éradicateurs» vont commencer à s'agiter, en faisant des clins d'oeil épisodiques à l'armée, brandie comme un épouvantail à la face du courant islamiste. Coups d'oeil répétitifs et qui peuvent rappeler les mêmes mimiques d'il y a douze ans.