Une véritable lutte de califat s'était enclenchée dans les structures du parti, plusieurs jours avant la mort du Cheikh. C'est en fait, un illustre inconnu qui succède à Mahfoud Nahnah, décédé, jeudi dernier, à la tête du MSP. Mohamed Megharia, vice-président du Mouvement de la société pour la paix, sera investi, donc, provisoirement de la présidence du parti, avec les prérogatives et missions qui sont dévolues à ce poste, et devra prendre ses fonctions, après la réunion du bureau exécutif, du parti qui aura lieu, avant la fin de la semaine, conformément au règlement intérieur du parti. Le nouveau président du MSP aura pour mission principale de gérer les affaires courantes du parti et d'arbitrer les différends, jusqu'à la prochaine réunion du Conseil consultatif et la tenue prochaine du congrès ordinaire du parti. Po tendu que soit ce plébiscite, il l'est à plus d'un titre, et pour plusieurs raisons: primo, et jusqu'à une date très récente, c'était Farid Habbaz qui assurait la vice-présidence. Sa signature apposée au bas des deux derniers communiqués, renseigne sur cette position, deuzio, tous ceux qui s'attendaient à voir Bouguerra Soltani, Menasra ou Abdelkader Mokri prendre la tête du parti se trouvent fourvoyés par ce choix inattendu, tertio, la vice-présidence du parti, qui a dû être attribuée à Megharia, à la hâte, et seulement entre mercredi et ven-dredi, a réellement de quoi surprendre les plus avisés. En réalité, le plébiscite de Megharia répond à l'impérieuse nécessité d'étouffer la lutte de leadership, qui se répand vite, par groupes d'influence interposés, dans les structures internes d'un parti réputé être hermétique et très discipliné. Selon des sources dignes de foi, c'est le «cheikh» lui-même qui aurait investi de cette mission Mohamed Megharia, connu des milieux islamistes pour sa mesure et sa pondération. «C'est surtout le fait de s'être toujours mis loin des luttes de clans et des postes de responsabilités qui a joué en sa faveur», ajoute une source proche du MSP. En fait, le plébiscite - même provisoire - renseigne aussi sur le souci, de la part de la direction du parti, d'atténuer les tensions qui commencent à se dessiner et les agitations de sous-sol qui risquent de remonter à la surface. Le parti, qui a connu une «période de flottement» depuis une année, a été profondément fragilisé par la disparition de Nahnah, et ne peut, en outre, permettre que de nouvelles turbulences liées au leadership viennent encore fissurer ses structures. Depuis l'échec, surprenant à l'époque, aux législatives, puis aux locales de 2002, le MSP a été secoué par de profondes contestations, venant de la base, et qui trouvaient écho auprès de certains membres de la direction. Ces contestations remettaient en cause la ligne politique, faite de concessions et de compromissions dans laquelle on engageait le parti, et qui s'est reflété par un recul effrayant par rapport à ses positions de 1995 («deuxième force politique du pays», se plaisait-on à dire alors). Ces turbulences ont fait naître depuis quelques mois des clans au sein du parti et la base des militants se plaisait à parier sur tel ou tel leader pour «empêcher la dérive du parti». Quoi qu'il en soit, les choses ne seront plus jamais comme avant. Mahfoud Nahnah n'était pas uniquement le président mais bien l'âme, le gourou, le référent doctrinal et le maître à penser, à décider et à agir du MSP. Sa mort, c'est un peu la mort du parti, et toutes les luttes califales engagées ne changeront absolument rien à un parti désormais crépusculaire, et dont les meilleurs jours se conjuguent au passé.