Les démonstrations de force interviennent quelques semaines après le séisme de Boumerdès et au lendemain du décès du président du MSP, Mahfoud Nahnah. A mesure qu'approche la date de la libération de Ali Benhadj et Abassi Madani, un phénomène inquiétant est en train de se produire dans les cités populaires d'Alger. Il s'agit de nombreux rassemblements d'islamistes. Ces derniers prennent d'assaut les espaces communs pour y pratiquer des prières en groupes. Ce retour en force à une pratique qui rappelle le début des années 1990 où les islamistes de l'ex-FIS n'hésitaient pas à occuper les places publiques et créer une sorte de psychose au sein de la société. Les démonstrations de force, en ce mois de juin 2003, interviennent quelques semaines après le séisme de Boumerdès et au lendemain du décès du président du MSP, Mahfoud Nahnah. Si ces deux événements sont considérés comme autant de facteurs dopant qui favorisent le retour de l'action islamiste dans la rue, c'est manifestement l'annonce de la sortie de prison imminente des leaders historiques de l'ex-FIS qui en constitue le principal moteur. En effet, on croit savoir de bonnes sources que des responsables du parti dissous, inconnus du grand public, ont entrepris depuis des mois la mise en place de véritables cellules dormantes. Leur principale mission consiste à profiter de la libération de Abassi Madani et Ali Benhadj pour redorer le blason terni de l'islamisme radical. Les éléments de ces cellules ont profité de «vents favorables» à travers un retour à la religiosité consécutif au tremblement de terre du 21 mai dernier. En effet, ils ont su profiter du désarroi des Algériens face à ce sinistre naturel pour se lancer dans une vaste campagne de «culpabilisation» de la société. C'est ainsi que le climat de terreur qu'ils ont créé a obligé de nombreuses jeunes à se remettre à porter le hidjab. L'objectif était en fait tracé d'avance. Les obsèques du dirigeant du MSP, avec leur vague humaine, ont remis sur le tapis la force de la mouvance islamiste dans la société algérienne. Là aussi, on a assisté, dans les quartiers de la capitale, à un regain de l'activité islamiste piloté par ces mêmes cellules dormantes qui se sont vraisemblablement bien réveillées. Plus encore, la récente sortie médiatique du général Lamari dans les colonnes du journal égyptien Al-Ahram, a été largement commentée par les politiques du courant intégriste radical (lire l'article de Ali Oussi) et savamment exploitée par la base militante qui murmure aux citoyens que le prochain Président de la République sera un islamiste et que leur retour n'est qu'une question de temps. Un retour qu'ils veulent apparemment spectaculaire, à voir le soutien sans faille qu'apportent les intégristes radicaux à la Commission de suivi de la levée de l'Etat d'urgence à quelques jours seulement de la libération de leurs leaders charismatiques. En effet, une pareille éventualité, renforcée par le regain de la ferveur islamiste constaté ces derniers jours, est une occasion en or pour les islamistes de l'ex-FIS qui s'y préparent déjà. Il y a lieu de souligner, à ce propos, que l'autorisation automatique de manifestation de rue ne sert, dans l'état actuel des choses, que le courant islamiste extrémiste. Au vu de toutes ces données, certains observateurs affirment qu'il y a effectivement un réel danger de voir l'Algérie basculer dans le début des années 1990, époque où le parti dissous s'était rendu maître du jeu politique national. Ce climat de psychose est aggravé par la détérioration de la situation sécuritaire. Il ne se passe pas, en effet, un jour, sans que l'on entende parler d'un acte terroriste perpétré par le GIA à l'ouest ou le Gspc à l'est et au centre du pays. La pression sécuritaire vient donc s'ajouter à un travail de fond exercé par des militants dans les quartiers populaires de l'Algérois. Les scènes de prières collectives dans les places publiques ne sont, en réalité, qu'une partie du plan mis en oeuvre par des éléments très actifs de l'ex-FIS. Cela dit, beaucoup d'observateurs craignent une accentuation de la pression politico-sécuritaire dans les prochains jours. Les intégristes veulent préparer, à leur manière, l'opinion à la libération de Ali Benhadj. Ce travail est appelé à s'intensifier après la sortie de prison de l'enfant terrible de l'islamisme algérien, comme il peut disparaître aussi soudainement qu'il est apparu. Tout dépendra de l'attitude de Benhadj après son élargissement.