L'ancien numéro un du Fis-dissous, qui reconnaît tout ignorer de la situation sécuritaire au dehors, n'en demande pas moins la levée de l'état d'urgence. C'est désormais chose certaine, acquise, inévitable : les deux anciens leaders de l'ex-FIS libres au plus tard, jeudi matin. Cela, même si Ali-Yahia Abdennouz continue à soutenir que la libération interviendra plutôt aujourd'hui.Abassi Madani, préparant activement sa sortie, a adressé hier une lettre ouverte au peuple algérien. Celle-ci a été publiée le même jour par le site officiel du parti dissous. Le message, avec le choix du support, est on ne peut plus clair, puisque l'auteur de la lettre commence immédiatement par dire que «le FIS est agréé conformément à la Constitution». Les troupes, donc, se préparent à mener combat pour le retour de ce parti, comme l'avaient maintes fois laissé entendre les dirigeants laissés en liberté et non interdits de s'exprimer publiquement. Mais l'objet principal de la missive de Abassi Madani concerne la demande faite au peuple algérien de ne pas «succomber aux provocations». Abassi pense que lui et son compagnon Benhadj gardent assez de popularité pour déclencher de gigantesques manifestations après leur libération. Aussi, conseille-t-il aux citoyens de savoir rester sobres dans leurs débordements de liesse. Citant ce qu'il appelle les journaux désinformateurs et éradicateurs, Abassi indique que ces derniers ont «su l'intention d'un grand nombre de membres du FIS et de ses sympathisants (..) de marquer convenablement le jour de la libération des dirigeants du parti, exprimant ainsi la fidélité qu'ils portent à la cause du peuple algérien sinistré (...) Il y a également une proposition pour que ces mem- bres et sympathisants ainsi que d'autres accomplissent la prière du vendredi suivant la libération des deux cheikhs afin d'avoir l'opportunité de les rencontrer et de célébrer la fin de leur détention. On parle même de la possibilité d'entendre les youyous dont nous ont habitués les Algériennes aux occasions nationales historiques.» Mais loin de calmer les ardeurs, Abassi les encourage au contraire, avec des mots à peine déguisés. Cela, même s'il reconnaît ignorer «la véritable situation sécuritaire» prévalant dans le pays. Loin de brider ces débordements potentiels, il oeuvre au contraire à les contenir tout juste «... pour que cette bonne initiative (les manifestations, Ndlr) ne soit pas avortée, je me permets d'attirer votre attention, d'une part, au contexte de l'état d'urgence-que Dieu fasse qu'il soit levé dans les meilleurs délais- qui interdit tout rassemblement non autorisé, et d'autre part, la nécessité de prendre en compte la volonté d'expression du peuple, depuis longtemps réprimé». Les «cheikhs», en clair, veulent inaugurer leur premier jour de liberté par des démonstrations de force et, pourquoi pas, de nouveaux bras de fer avec les pouvoirs publics en dépit des graves dérives qui avaient découlé des débordements qui s'étaient produits, il y a de cela un peu plus d'une douzaine d'années. Abassi, conscient des énormes enjeux en cours, à quelques mois à peine de la présidentielle d'avril 2004, estime que «la ferveur du peuple (ne doit pas) prendre le dessus sur la discipline consciente et soucieuse des conséquences (afin de) barrer la route à toutes les tentatives visant à faire avorter cette initiative (...) Je vous suggère de ne rien organiser en dehors du cadre de la spontanéité sincère et engagée qui tient compte des conséquences, qu'il s'agisse de la prière du vendredi et des autres prières, ou des youyous des soeurs désireuses d'exprimer leur joie spontanément, mais de façon disciplinée.» Abassi et ses proches semblent comprendre que la situation leur est favorable, qui rappelle beaucoup celle des années 1992 et post-1992. Depuis, l'islamisme politique avait connu de très importants reculs, jusqu'à disparaître quasi intégralement. Mais le voilà qui refait son apparition à la faveur du dernier séisme et de la manipulation qui en a été faite par les islamistes. La fièvre du même nom a connu un vif regain à la suite de l'approche de la libération de Abassi et Benhadj. Et si tout était à recommencer?