Finalement quatre mouvements de la résistance palestinienne ont officialisé dimanche une trêve de trois mois. Retardée pour cause de divergences mineures, l'annonce de la trêve par les mouvements de la résistance palestiniens s'est finalement faite dans la soirée de dimanche, prenant à contrepied tous ceux qui espéraient l'échec des négociations. En vérité, l'accord palestinien sur le cessez-le-feu induit une nouvelle donne dans le contentieux proche-oriental. En effet, pour peu que surgisse le grain de sable, -telles les provocations délibérées, l'incitation à la violence-, qui risque de faire dérailler la machine, Israël se trouve bel et bien coincé et pris dans le piège de la paix. Dans le concert de satisfaction émis de par le monde par de grands dirigeants, à l'instar du président américain, George W.Bush et du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui ont salué hier la conclusion de la trêve, comme une avancée appréciable vers la paix, la réaction israélienne détonne quelque peu par son refus obtus. De fait, Tel-Aviv refuse tout bonnement cette trêve excipant du fait que les mouvements «terroristes» doivent être «démantelés». Ainsi, Raanan Gissin, porte-parole du Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a déclaré hier «l'Etat hébreu (ne faisait) aucun cas de l'annonce (par le Hamas et le Jihad islamique) d'une suspension de trois mois de leurs opérations». Les Israéliens ne tiennent même pas compte du fait que le cessez-le-feu est applicable autant aux territoires occupés, qu'en Israël même. Habitués à tout régir, Israël n'a pas encore assimilé le fait qu'il fait face à une résistance nationale et que la paix, si paix il y a, ne peut se concevoir qu'avec ceux qui se battent. Et ce sont ceux-là mêmes qui se battent, le Fatah, le FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine) le Hamas et le Jihad islamique, qui viennent simultanément, encore que séparément, d'annoncer une suspension unilatérale des opérations sur le terrain. Lorsque le ministre israélien des Infrastructures M.Meir, déclare à CNN que le gouvernement palestinien «doit décider s'il veut la paix avec le Hamas ou avec Israël», il montre surtout que l'intelligentsia politique israélienne est incapable de replacer le conflit dans son contexte de lutte de libération. Dans une première réaction, une porte-parole de la Maison-Blanche, Ashley Snee a déclaré «Tout ce qui permet de réduire la violence est un pas dans la bonne direction» indiquant toutefois que «Selon la feuille de route, les parties ont l'obligation de démanteler les infrastructures terroristes. Il y a encore du travail à accomplir». Certes, il reste cependant que les mouvements de la résistance sont incontournables et partie prenante de tout processus de paix au Proche-Orient qui se veut sérieux. Car, contrairement à ce que peuvent penser les Israéliens, la sécurité de l'Etat hébreu n'est pas, ne peut être une fin, mais reste déterminée par l'érection de l'Etat palestinien, ce pourquoi luttent les Palestiniens. Et c'est même l'objectif primordial, prévu par le processus dit de la «feuille de route» qui doit aboutir d'ici à 2005 à l'érection d'un Etat palestinien. Ce que souligne en vérité le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, lorsqu'il émet l'espoir que «les groupes (palestiniens), Israël et l'Autorité palestinienne entreprennent tout ce qui est nécessaire pour s'assurer que le cessez-le-feu marque le fin totale et complète de la violence et de la terreur» soulignant: «Il s'agit maintenant de mettre en oeuvre rapidement le difficile processus inclus dans la «feuille de route», de façon à transformer en réalité la vision de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte en paix et dans la sécurité». Cette paix et la sécurité ne peuvent s'établir sans la participation de l'ensemble des forces représentatives du peuple palestinien. Israël a effectivement négocié avec le gouvernement de Mahmoud Abbas son retrait du nord de la bande de Ghaza, retrait achevé dans la nuit de dimanche à lundi, —les deux services de sécurité concernés devant se rencontrer à nouveau hier pour finaliser le retrait de la ville palestinienne de Bethlehem-, mais la trêve est le fait des seuls mouvements de résistance palestiniens assistés par des pays arabes, notamment l'Egypte. C'est dire donc leur poids dans tout processus de paix voulant aboutir. D'ailleurs, le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, n'a pas manqué de saluer l'annonce de l'accord en indiquant: «Nous nous félicitons de l'accord (de trêve) auquel sont parvenus les groupes palestiniens «appuyant sur le fait de «la nécessité de poursuivre le dialogue pour préserver l'unité des rangs palestiniens». De fait, la députée et figure de prou de la résistance palestiniennes, Hanane Achraoui ne s'y est pas trompée lorsqu'elle affirme «En refusant de se soumettre aux pressions israéliennes, (sur le démantèlement des groupes armés), Abou Mazen a réussi à éviter des confrontations inter-factions» ajoutant «Cette trêve est importante dans la mesure ou elle aide Abou Mazen à s'atteler à la tâche et son gouvernement de mettre en oeuvre son programme». Ainsi, à l'encontre de la satisfaction de la communauté internationale, y compris celle des Etats-Unis, la réaction négative d'Israël, après l'annonce de la trêve, montre que les Israéliens ne sont toujours pas prêts à la paix, ni à cohabiter avec l'Etat de Palestine. Reste que les mouvements palestiniens ne doivent pas donner de prétextes, ni de raisons, justifiant le pessimisme israélien. Il est vrai que pour les Palestiniens la partie sera difficile tant les provocations des extrémistes israéliens et des colons ne manqueront dans le but de rallumer le feu de la violence. Aussi, c'est là que le gouvernement de Mahmoud Abbas aura un rôle important à jouer, et sera sans doute attendu au tournant. Le début de retrait israélien et la trêve décidée par quatre groupes palestiniens donnent en fait le coup d'envoi officiel de la «feuille de route».