Le premier bain de foule du n° 2 de l'ex-FIS a été l'occasion pour lui de faire une démonstration de sa cote de popularité. Le visage allongé, l'oeil vif, la chéchia en pyramide et le sourire constant, mais fatigué, Ali Benhadj a longuement salué les journalistes et sympathisants de l'ex-FIS qui sont venus l'accueillir au bas de son domicile, à Haï El-Badr. «Je vous remercie, je vous exprime ma gratitude. Vos pas faits pour me voir et votre venue jusqu'ici me touchent énormément (...) Soyez patients, car tout dans la vie est affaire de patience (...) J'ai quitté la prison au bout de douze années et qui sont passées aussi vite qu'un éclair. J'ai été emprisonné, mais je ne suis pas le seul à avoir été mis en prison dans des circonstances troubles, d'autres l'ont été avant moi (...) Je vous promets d'être plus disponible les prochains jours, et nous aurons beaucoup de chose à nous dire et à nous raconter. Nous réglerons les problèmes de tous et nous demanderons à ce que soient respectés les droits de chacun (...) Excusez-moi, mais je dois me reposer, je suis fatigué». Après avoir lancé ces messages cryptés, Benhadj se retire du balcon de son appartement, situé au troisième étage de la cité des Enseignants, à Haï El-Badr, ex-Lotissement Michel. Fin du bain de foule de cette première journée de Ali Benhadj en liberté. La journée a commencé très tôt pour le n°2 de l'ex-FIS. A 7h30, il est mis hors de l'enceinte du tribunal de Blida, où il purgeait sa peine de douze années de réclusion prononcées à son encontre par un tribunal militaire en juillet 1992. Première escale: une prière à la mosquée Ben Badis, à Kouba. Geste fort significatif, puisqu'il renvoie aux années 1989-90 durant lesquelles Benhadj, gourou de la jeunesse islamiste urbaine, haranguait ses foules à partir de cette mosquée, fief imprenable, et qui était aussi celui de son maître à penser, le cheikh Abdellatif Soltani. Deuxième escale, l'Entv. C'est là où fut cueilli Benhadj, fin juin 1991, alors qu'il s'apprêtait à demander un droit de réponse aux responsables de l'information de la télévision d'Etat. Autre geste très symbolique et dont la teneur semble dire que «douze ans après je tiens toujours à mon droit de réponse aux accusations dont j'ai été l'objet». Il demande à rencontrer le DG ou son second avant de repartir aussitôt qu'il lui a été dit que ni l'un ni l'autre ne sont encore là pour lui permettre d'entrer. Il était à peine 9 h. Troisième escale, le quartier populaire de Belcourt où Abassi Madani, le n°1 et porte-parole du parti dissous, est assigné à résidence depuis six ans (l'assignation a pris fin hier, ndlr). A 10h, les badauds s'entassent et les journalistes algériens et étrangers s'agglutinent au bas du bâtiment. Un important dispositif de sécurité est déployé par la police urbaine et la gendarmerie nationale, et rien ne peut empêcher le retour de vieux slogans de la jeunesse urbaine pauvre et désabusée: «Ya Ali ya Abbas, el-djebha rahi labas!» Tout «l'état-major» du parti dissous arrive. Les uns après les autres, Ali Djeddi, Kamel Guemazi, Abdelkader Boukhamkham, Mustapha Kertali, Ammi Abdelkader, Noureddine Chegara... montent plusieurs étages pour s'entretenir avec les deux chouyoukh et reprendre le fil rompu des activités, malgré l'interdiction signifiée par les autorités militaires à Ali Benhadj «de reprendre l'activité politique, sous quelque forme que ce soit». A 10h15, nouveau départ vers le domicile de Benhadj. Ce qui devrait être la première escale devenait la dernière. Ultime chance pour les journalistes d'arracher un mot à la star du jour. Benhadj rentre chez lui sous les youyous et les centaines de flashes qui illuminent son visage terni par douze ans de prison. Lorsqu'il apparaît au balcon de sa fenêtre, c'est pour dire quelques phrases, tantôt claires tantôt cryptées, qui dévoileront toute leur teneur les prochains jours.