A travers cette libération, l'Algérie accomplit un grand pas dans l'édification d'un Etat de droit. Ali Benhadj a refusé d'être protégé par la police. Les services de police, souligne un communiqué de la Dgsn, ont proposé «la mise à la disposition» de Ali Benhadj «d'un groupe de protection rapprochée pour assurer sa sécurité». Ali Benhadj «qui a pris connaissance de cette proposition y a opposé un refus catégorique», souligne le communiqué. L'attitude de l'ancien détenu de la prison militaire de Blida est quelque peu déroutante à première vue, pour la simple raison qu'il ne doit certainement pas ignorer le danger qu'il encourt à l'extérieur. L'homme, même s'il peut se prévaloir d'une popularité certaine au sein de la frange islamiste dure de la société, n'est pas moins considéré par des millions d'autres Algériens comme l'un des responsables de la décennie noire qu'a vécue le pays. Les extrémismes étant partout, Ali Benhadj n'est certainement pas à l'abri d'un énergumène qui voudrait violemment en découdre avec celui qui passe pour le père du discours radical, lui même, à l'origine du terrorisme islamiste. Cependant, le refus de la protection policière affiché par Benhadj trahit une volonté de sa part d'affirmer sa liberté pleine et entière à tout point de vue. La dimension politique de cette même liberté n'est pas en reste. En fait, on peut supposer que le leader de l'ex-FIS ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Benhadj balise, avec une grande précaution, son itinéraire politique futur. D'ailleurs, en faisant passer sa propre famille après une tournée, du reste symbolique, il ne fait ni plus ni moins que rappeler ses priorités. Aussi, l'on peut expliquer la fin de non-recevoir apportée, à la proposition de la Dgsn comme un autre geste d'une signification hautement politique. Par ailleurs, il faut rappeler que bien avant sa libération, le général-major, Mohamed Lamari, a évoqué la question de la sécurité physique de l'enfant terrible de l'ex-FIS en affichant la disponibilité de l'institution qu'il dirige à assumer cette mission à la demande de l'intéressé. Cela en plus de l'engagement du Président de la République à écourter son séjour carcéral s'il s'engageait à prendre définitivement sa retraite politique. Refusant les deux propositions, sécuritaire et politique, Benhadj a préféré purger la totalité de sa peine pour recouvrer effectivement la liberté de tous ces mouvements. Aujourd'hui, c'est chose faite. L'Etat, à travers ses deux plus importantes institutions, qui a pris acte de la volonté du plus célèbre prisonnier algérien de ce troisième millénaire, semble jouer le jeu du droit jusqu'au bout. Les observateurs noteront, en effet, la réaction très correcte du pouvoir judiciaire. Ali Benhadj est sorti de prison au jour J inscrit dans le jugement qui le condamnait à 12 ans de prison. De plus, il est libre d'aller et de venir au même titre que tout citoyen algérien. En d'autres termes, l'Algérie accomplit là un pas de géant dans l'édification d'un Etat de droit, en respectant scrupuleusement les termes de la loi. Reste à Ali Benhadj de respecter cette République.