Les Etats-Unis d'Amérique invitent les Algériens à tourner la page. Les Etats-Unis ont réagi, avec un pragmatisme dont ils ont seuls le secret, à la libération mercredi des dirigeants du FIS-dissous, Abassi Madani et Ali Benhadj, en appelant les Algériens à «regarder vers l'avenir». Dans une déclaration faite jeudi dernier lors d'un point de presse, le porte-parole du département d'Etat (ministère des Affaires étrangères, Ndlr) Richard Boucher a estimé qu'«alors que le niveau de violence en Algérie continue de baisser, la paix et la stabilité doivent être la priorité de tous les Algériens». En outre, le responsable américain a indiqué : «Nous espérons que les Algériens regarderont désormais vers l'avenir, en dépassant les violences qui ont fait 100.000 morts en une décennie.» Le porte-parole du département d'Etat s'est toutefois abstenu de tout commentaire sur cette libération. «Il est trop tôt pour que nous spéculions sur les implications politiques de leur libération», a-t-il dit. Il est utile de rappeler que les Etats-Unis d'Amérique ont observé une neutralité de façade durant toute la décennie noire du terrorisme. Cette déclaration feutrée du département d'Etat renseigne sur le besoin pressant qu'ont les Américains d'avoir en face d'eux une Algérie en paix avec elle-même et baignant dans une stabilité. Deux facteurs nécessaires pour pousser les relations entre les deux pays. C'est un message qui semble s'adresser aussi bien aux partisans du parti dissous dont le n°2 vient de faire savoir qu'il ne compte pas abandonner son action politique, qu'aux victimes du terrorisme dont les structures ont été réactivées à l'occasion de cette libération. Il n'est pas faux non plus de considérer cette prise de position officielle américaine, dont il faut souligner que c'est la seule émanant d'un pays ayant des liens très étroits avec l'Algérie, vise également à tempérer les ardeurs de certains acteurs politiques et médiatiques algériens pour lesquels la remise en liberté des dirigeants du FIS-dissous est de nature à ramener le pays à la case départ. Il est à signaler tout de même que les USA qui se préparaient à composer avec un régime islamiste en Algérie n'ont changé de position qu'après l'élection présidentielle de 1995 en Algérie. Une élection qui a eu lieu dans une période où les intérêts américains commençaient à devenir la cible du terrorisme intégriste, notamment au Moyen-Orient et en Afrique. Pour rappel, au début de l'interruption du processus électoral en janvier 1992, les USA ont accueilli Anouar Haddam, un des dirigeants du FIS-dissous avant de l'emprisonner pour non-respect des lois relatives à l'immigration. La sortie médiatique du département d'Etat se veut ainsi une manière très discrète de réorienter le débat politique en Algérie vers les priorités auxquelles il faudrait s'attaquer pour rattraper le retard causé par plus de 11 ans de terrorisme. Il va sans dire que les intérêts stratégiques US, sans cesse grandissants en Algérie, pourraient expliquer en grande partie cette interférence prudente et toute mesurée du département d'Etat. Dans un entretien en guise d'adieu que l'ambassadrice US en Algérie, Mme Janet Sanderson, a accordé au quotidien arabophone Al-Khabar dans son édition de jeudi dernier, elle déclarait : «Nos relations résident avec l'Algérie elle-même. Nous traiterons avec celui que choisira le peuple algérien pour être son Président.» Elle a tenu à lever toute équivoque en ajoutant : «Nous n'avons aucune volonté ni aucune intention d'intervenir dans vos affaires internes.» La diplomate US, qui signale au passage que la présidentielle de 2004 sera «la première élection de l'Algérie nouvelle», donne le ton, à partir d'Alger, de ce que l'Algérie sera après le tournant décisif qui l'attend dans moins d'une année.