Le harcèlement des forces d´occupation de la coalition relativise l´euphorie dont ont pu faire montre les coalisés. Les choses vont vraiment mal pour les forces d´occupation américano-britanniques qui se heurtent de plus en plus à une résistance qui n´est pas seulement le fait de rescapés de l´ex-régime de Saddam Hussein, ou de miliciens du Baâs, mais celle d´un peuple excédé par les dépassements et les humiliations, quotidiens, de la part des militaires américains notamment. Les Irakiens luttent aujourd´hui pour recouvrir leur liberté, hier confisquée par Saddam Hussein, aujourd´hui remise en cause par les militaires américains et anglais. Quelle différence, en effet, peut-il y avoir entre la dictature hier, du régime baâssiste, et les vexations aujourd´hui des troupes de Bush et de Blair? Aucune en vérité, et c´est le peuple irakien, compris comme quantité négligeable, qui souffre dans sa chair, et dans sa vie de tous les jours, faisant face aux brimades et à l´arrogance des occupants. Le fait est que, près d´un trimestre après la fin de ce que le président Bush avait qualifié «d´opérations militaires majeures», la situation n´évolue pas ayant, en revanche, tendance à se détériorer. De fait, les Américains, singulièrement, qui gèrent le nord de l´Irak, sont confrontés à une résistance très active qui ne laisse aucun répit aux soldats américains, ni de doute sur sa détermination. Hier encore, un soldat américain a été tué, lors d´une attaque aux roquettes, dans la localité de Ramadi, à l´ouest de Bagdad, et 16 autres blessés. Un véhicule militaire américain a été, par ailleurs, incendié à Al-Attoubaâ par des résistants irakiens. Même si les responsables américains à Bagdad tentent de relativiser la gravité des choses, la situation d´ensemble est de fait assez sérieuse et, à l´instar des représentants et des sénateurs, les Américains commencent à s´inquiéter face aux pertes de plus en plus lourdes dans les rangs de l´armée américaine. A Falloujah, nord de Bagdad, fief de la résistance à l´occupation, les forces américaines sont de plus en plus réduites à la défensive. Ce qui fait dire au commandant, Joffery Watson, responsable du renseignement: «Je dirais qu´elle (la résistance) est un peu plus organisée que ce qu´elle était peut-être il y a quatre semaines.» La victoire américaine, dans les «opérations militaires majeures» de la guerre en Irak, aura été une victoire à la Pyrrhus, dans la mesure où la résistance n´a pas laissé aux forces d´occupation le temps de se retourner, passant à l´offensive dans des opérations de mieux en mieux maîtrisées. Ce qui indique que les choses sont loin de fonctionner comme, sans doute, l´avaient prévu ou envisagé les stratèges américains. Ainsi, les Irakiens ont été loin d´accueillir les soldats américains en libérateurs, comme l´espérait Washington, mais bien comme les nouveaux centurions à combattre pour recouvrir leur indépendance et liberté. Maîtres d´un pays où ils essaient d´imposer leurs lois à une culture différente, les Américains ont facilement recours au raccourci, à tout le moins galvaudé, de terrorisme, comme l´a fait la semaine dernière le secrétaire d´Etat américain à la Défense, Donald Rumsfeld, lequel n´hésita pas à taxer tout un peuple, du fait de sa résistance à l´occupation, de «terroriste». Contestant la qualification «d´enlisement» des forces américaines en Irak, Donald Rumsfeld affirme: «Si l´on analyse ce qui se passe dans ce pays, il y a une façon différente de la qualifier», précisant sa pensée, il souligne: «Mon opinion est que nous sommes en guerre. Nous sommes en guerre mondiale contre le terrorisme, et ceux qui ne sont pas d´accord avec cela sont pour la plupart des terroristes.» Ainsi, le peuple irakien, qui résiste à l´occupation de la coalition américano-britannique, est, selon les dires du secrétaire américain à la Défense, globalement, un peuple «terroriste» puisque ce peuple n´est pas «d´accord» avec l´occupation que lui impose la coalition, et sa résistance re-qualifiée de «terrorisme». C´est autant un aveuglement politique, induit par la puissance réelle de l´occupant américain, notamment, qu´une appréciation à courte vue qui ne tient compte ni des besoins de ce peuple ni de ses réalités. En fait, par les arrestations massives parmi la population, par les mesures vexatoires et humiliantes, par les interdictions de toute nature, les forces d´occupation reproduisent en vérité les mêmes violences et terreurs du régime de Saddam Hussein contre les Irakiens. Aussi, si aujourd´hui le peuple irakien, dans son ensemble, refuse cette occupation, c´est bien parce que les forces américano-britanniques, loin d´avoir été les libératrices attendues par les Irakiens - qui plièrent longtemps sous le joug de la dictature baâssiste - mais une nouvelle dictature, sans doute plus soft, mais dictature quand même qui laisse peu de latitude aux Irakiens de se réaliser dans le nouveaux contexte induit par la chute de Saddam Hussein. Il est patent que plus le temps passe, mieux la résistance s´organisera, et plus les forces d´occupation de la coalition auront à faire face à l´autre guerre, celle d´un peuple qui veut enfin vivre libre.