Le bilan des victimes s'alourdit en Afghanistan. A ce stade, les observateurs estiment que même gagnée, la guerre est déjà perdue par les Américano-Britanniques. Des frappes aériennes pourtant appelées «chirurgicales» n'ont pas épargné des innocents et rappellent le spectre du drame irakien. Les raids menés dans la nuit de jeudi à vendredi sur la ville de Kandahar auraient fait de nombreuses victimes. Selon l'agence proche du régime des taliban, lors d'un raid qui visait une caserne à Qargha (à l'ouest de Kaboul), une bombe est tombée près d'une maison et a tué six personnes. Auparavant, 160 corps ont été retirés des décombres du village de Kadam (est de l'Afghanistan), touché par les bombardements, de la nuit de mercredi à jeudi. La source proche du régime des taliban, non vérifiable, annonce plus de 300 civils tués, après cinq jours de bombardements successifs. Depuis mardi, les raids se sont intensifiés, augmentant la puissance de leurs munitions. Ils ont inclus des bombes guidées de 2,5 tonnes capables d'éventrer des bunkers enterrés. L'intensité des frappes devrait baisser, aujourd'hui, par égard au monde musulman (jour de l'Ascension du Prophète Mohammed), selon le secrétaire d'Etat britannique à la Défense qui précise que les bombardements reprendront, durant le Ramadan. D'après Washington et Londres l'objectif des frappes aériennes a été atteint. Ils évoquent de plus en plus, le recours à des forces terrestres. Cette éventualité devra se produire, dans les semaines à venir. Selon les responsables britanniques, Tony Blair a lui-même reconnu jeudi au Caire que «les attaques aériennes ne suffiraient pas à elles seules». Mais quelle sera la suite? Beaucoup d'observateurs s'interrogent sur les soubassements de cette guerre inédite. Les Américains n'ont-ils pas trouvé leurs comptes pour dynamiser leur industrie militaire et exécuter la stratégie héritée de Bush, le père? Les Américains et les Britanniques ne cherchent-ils pas à pacifier l'Afghanistan pour débloquer les routes du pétrole et du gaz naturel de la mer Caspienne et de l'Asie centrale? s'interrogent ces mêmes observateurs. Le président Bush a rappelé, jeudi, que pour cesser l'action militaire, il incombe aux taliban de livrer Ben Laden et ses lieutenants. De son côté, le mollah Omar, chef des taliban, durcit le ton: «Quant à ceux qui nous attaquent, ils doivent savoir que la nature de l'homme afghan engagé au djihad, et la géographie de l'Afghanistan font de notre pays le cimetière des envahisseurs.» Entre le pragmatisme ravageur des uns et l'extrémisme destructeur des autres, des innocents payent un lourd tribut. Selon des témoignages rapportés avant le début des frappes, nombreux étaient les Afghans qui ne savaient pas que les tours jumelles avaient été détruites, que Ben Laden était le présumé commanditaire, qu'il résidait chez eux et que les Américano-Britanniques allaient bombarder l'Afghanistan. Un peuple que ni l'homme ni l'adversité n'ont gâté. Plus de vingt ans de guerre et 3 ans de sécheresse, l'illusion d'un répit s'est effondrée le 11 septembre avec les Twin Towers.