«Ceux qui persistent à agiter l'épouvantail des années 1991-92 sont des manoeuvriers de la politique.» Un leader de l'ex-FIS à l'étranger s'est exprimé, hier, par téléphone, au sujet de l'agitation qui secoue le débat politique depuis la libération de Ali Benhadj: «Du point de vue politique, on peut considérer cette agitation comme une espèce de sondage d'opinion. On lance les mots les plus acides, on confine l'adversaire dans des espaces difficilement supportables et on attend les réactions sur la base desquelles on prend une décision.» Il ajoute : «Tout le monde sait - et le pouvoir en premier lieu - que les capacités actuelles du parti sont à ce point dérisoires pour que l'on sache qu'il peut à peine se relever et que les conditions politiques, économiques et sociales qui l'ont fait naître et qui en ont fait un parti de l'ampleur que l'on sait ne sont plus réunies aujourd'hui pour lui permettre une résurgence immédiate.» «En fait, le pouvoir ne veut plus d'une opposition musclée, il cherche plutôt à constitutionnaliser une ‘‘opposition soft'' qui fasse le jeu, se soumette aux injonctions et ferme les yeux sur les plus graves dérives qui s'opèrent en sous-sol. Le fait même de placer un Ouyahia, en grand décalage avec les réalités islamistes du monde arabe, est déjà un signe assez significatif des velléités de blocage de toute action qui ne serait pas inscrite dans le programme officiel». De son côté, Abdelkader Boukhamkham, ex-membre de la direction du parti dissous, pense que «les fameux ‘‘dix commandements'' (interdictions signifiées aux leaders de l'ex-FIS, ndlr) sont de véritables provocations de la part du pouvoir en pleine politique de concorde civile. Nous avons demandé (Djeddi, Boukhamkham, Guemazi, Omar Abdelkader, Mourad Dhina et Rabah Kebir) aux chouyoukh de respecter cette décision et de ne pas s'exprimer publiquement, juste le temps que les autorités reviennent à de meilleures dispositions.» Pour Boukhamkham, l'agitation d'une certaine presse hostile à la libération des chouyoukh est le signal donné par les tenants des thèses anti-islamistes à leurs porte-voix médiatiques pour faire dans le sensationnel, car «il n'existe aucun signe qui puisse alimenter toute cette haine étayée à longueur de page». «En fait, précise-t-il, il ne saurait y avoir de véritable réconciliation nationale à l'ombre de pratiques hégémonistes et belliqueuses. Pour peu que leurs libertés leur soient garanties, les chouyoukh peuvent contribuer à rétrécir le champ des actes de violence, en influant sur ceux qui ont encore une écoute.» «Malgré cela, ajoute-t-il, je ne pense pas que le pouvoir soit prêt à refaire les mêmes erreurs que par le passé. La libération des deux chouyoukh est déjà un signe positif et il faut que les autorités fassent davantage preuve de respect du droit de chacun.» Ce constat a été dressé le jour même de la libération de Ali Benhadj par Ali Djeddi, qui avait déclaré aux journalistes: «Il n'y a pas de quoi alimenter les tensions. Nous sommes en 2003 et il nous faut regarder vers l'avenir. Ce qui s'est passé ne se reproduira plus parce que les choses ne sont plus ce qu'elles ont été.» Voilà donc dans les grandes lignes les nouvelles dispositions des leaders de l'ex-FIS. Les dissensions internes sont déjà à l'ordre du jour et, nous l'avons appris de source informée, Benhadj reste «sidéré» devant l'ampleur des divergences qui ont déchiré les membres de la direction, aussi bien ceux de l'intérieur que ceux vivant à l'étranger. Le silence actuel imposé au gourou des quartiers islamistes populaires est rentabilisé pour, d'abord, «s'enquérir de la situation interne», ensuite «trouver un compromis qui réunirait les contraires et atténuerait les contrastes et, enfin, faire en sorte que l'expression des membres de l'ex-FIS soit unie et sache surfer sur les vagues hostiles.»