L'enfant terrible de l'ex-FIS est un irréductible. D'où les passions qu'il soulève. «L'imminence de la libération de Ali Benhadj dont parle la presse à profusion semble être plus une information destinée à la consommation publique et rapide qu'à une approche politique réelle qui se dessine.» Ainsi s'est exprimé un des leaders les plus proches du n°2 de l'ex-FIS, et un des «sept de Djenane El Mufti». Répondant à notre question à propos de garanties qu'auraient reçues des ex-leaders de l'AIS, à l'Est, relative à la prochaine libération de Benhadj, dans un cadre d'apaisement politique général, il affirme qu'il n'y a «aucune garantie donnée», et que tout au plus, «il s'agirait d'un souhait que certains responsables politiques voudraient qu'il se réalise, mais qui, dans les faits, a peu de chances de se produire». Ali Benhadj qui purge une peine de douze années d'emprisonnement décline à vue d'oeil. De santé fragile, ses crises et ses baisses de tension se sont faites de plus en plus fréquentes, nécessitant la présence quasi quotidienne d'un médecin à son chevet. Plusieurs personnalités politiques et des ONG humanitaires se sont exprimées en faveur de sa libération. Lors de la 58e session des droits de l'Homme de l'ONU, qui s'est tenue à Genève, récemment, le groupe mixte de travail a dressé un véritable réquisitoire contre les autorités algériennes portant sur les conditions de détention, les chefs d'inculpation et la nature de l'emprisonnement des deux premiers leaders du parti dissous. Cette poussée médiatique intervient mal à propos pour permettre réellement sa «prise en charge», bien que le motif humanitaire soit avancé de manière à assouplir la position des plus anti-islamistes au sein des instances de décision. Elle intervient également mal à propos parce que la poussée terroriste a atteint un seuil inquiétant ces derniers jours, au point de faire rappeler, de façon brutale, que l'avancée sécuritaire gagnée au bout de plusieurs années de haute lutte risque d'être compromise pour de bon si des actes de violence persistent encore. Près de 600 morts en moins de six mois, une remise en branle de la machine de la mort urbaine et pas moins de huit wilayas touchées par le redéploiement terroriste (Alger, Blida, Médéa, Boumerdès, Aïn Defla, Tiaret, Tissemsilt et Chlef). Pis encore, l'été risque d'être plus inquiétant, avec une prédilection pour les massacres à Khemis Miliana, Tipasa et toute la région côtière du centre du pays. Cette percée terroriste peut interdire tout geste de clémence envers Ali Benhadj qui de l'avis de tous les connaisseurs de la nébuleuse islamiste, est bel et bien le dernier leader à pouvoir ressusciter la mouvance à partir des cendres qui en restent. La crédibilité et le capital confiance dont il jouit, ainsi que le charisme dont reste entouré son personnage aux yeux de la base islamiste, sont le gage d'une vitalité islamiste radicale avec laquelle il faudrait compter encore longtemps. Reste bien sûr le geste symbolique que peut accomplir le Président de la République à la veille de la commémoration du 40e anniversaire de l'Indépendance nationale, le 5 Juillet 2002, en permettant sa libération. Cette option est à retenir lorsqu'on sait que dans une année Benhadj aura passé ses douze années de prison, et les autorités seront forcées de gérer cette période cruciale à plus d'un titre. Alors autant le faire sortir de prison dès aujourd'hui et avoir les coudées franches pour conditionner cet élargissement, de façon à baliser le mouvement d'un islamiste qui «ne jouera pas le jeu». Ali Benhadj: casse-tête chinois dans un jeu politique où la logique n'est pas le meilleur moyen de penser dans un enchevêtrement inextricable de jeu d'équilibre et de rapport de force.