«l'ouverture débridée du secteur du livre a eu pour conséquence une grave dérive politique.» Comme ces primeurs d'automne dont on annonce l'arrivée sur le marché à date régulière, le 8e Salon international du livre d'Alger ouvrira ses portes le 18 septembre prochain. Parole de M.Abdelkader Khemri, qui, outre ses qualités de patron du plus grand groupe d'édition, de publicité et de communication d'Etat, porte, avec la même désinvolture, la casquette de président du comité d'organisation du prochain Salon. M.Khemri, faut-il le rappeler, a été ministre il y a quelques années. Fort de ses capacités d'administrateur intello, toujours prêt à traquer la bonne cause pour la servir, il y a quelques mois, il a été choisi comme porte-parole du premier colloque international sur le terrorisme au sein duquel il a tenu son rôle convenablement. Il n'est donc pas surprenant de le retrouver aujourd'hui aux premières loges d'une tentative de stabilisation d'un Salon du livre qui, malheureusement, n'a pas connu que des embellies depuis ses premiers essais, il y a quelques années. D'ailleurs, Khemri le reconnaît volontiers dans un texte qu'il a rédigé pour exprimer ce que les organisateurs de la future rencontre autour du livre voudraient qu'elle devienne à l'avenir. Dans sa contribution, Abdelkader Khemri, qui n'esquive pas le problème, loin s'en faut, reconnaît, en revanche, que «l'ouverture débridée du secteur du livre a eu pour conséquences une grave dérive politique qui a livré la société, pieds et poings liés, au fondamentalisme et aux maquignons du livre religieux aidés dans leur obscure tâche par une école qui leur conditionnait un lectorat propice». Sommes-nous, pour autant, quittes avec la déferlante fondamentaliste depuis que le 7e Salon international du livre a réussi le tour de force de favoriser un net déclin du livre intégriste? Il faut croire que non dans la mesure où la réforme, attendue pour transformer profondément les programmes de l'école algérienne, reste encore à faire. Ce constat de carence n'est évidemment pas une fin en soi. Mais il reproduit quand même un signe qui nous rappelle qu'à une certaine époque, c'est-à-dire, il y a quelques années seulement, le Salon du livre était régulièrement envahi par les mercantis de la religion qui, important des livres saints en grande quantité, les revendaient au prix fort pour garnir leurs comptes en Suisse déjà prodigieusement fournis. Il semble, à en croire M.Khemri, que cette ère soit désormais révolue et qu'il faille travailler avec plus d'acharnement pour atteindre un progrès constant bien dans l'organisation du Salon, que dans les échanges à générer entre l'Europe et les pays arabes puisque, selon la contribution écrite de Abdelkader Khemri, «Alger est incontestablement la seule capitale arabe à pouvoir réunir, dans un même espace culturel, des éditeurs arabophones et francophones». Il faut savoir justement, puisque l'occasion s'y prête, que sur les 352 maisons d'édition présentes ou représentées au 7e Sila, 161 maisons d'édition étaient arabes et 191 européennes. C'est ce qui fait la qualité du Salon d'Alger, outre l'aspect commercial, il offre diverses occasions pour les rencontres où seules la littérature et la science tiennent le haut du pavé. Une première exigence semble avoir recueilli l'assentiment de l'ensemble des organisateurs du 8e Sila, c'est la régularité du Salon qu'ils voudraient voir se renouveler chaque année. Une fois la tradition rétablie et la bonne organisation promue au rang de constante, on pourrait probablement songer à une forme de décentralisation régionale, mais intelligente, du Sila qui devrait, en l'occurrence, répondre avec tous ses moyens pour renforcer la disponibilité certaine qu'éprouve l'Algérien à l'égard du livre, mais aussi faire en sorte que ce carrefour qu'est le Sila devienne à l'avenir la plaque tournante d'un rapprochement fructueux des civilisations.