La problématique des droits de l'Homme, de l'Etat de droit et de la justice algérienne est suspendue à ce dossier. L'un des tendons d'Achille de la justice algérienne, le dossier des disparus, revient depuis quelques semaines, sur le devant de la scène. Dans une lettre ouverte, adressée au ministre de la Justice, les familles de disparus demandent à rencontrer le premier responsable du secteur aujourd'hui. «Plusieurs demandes d'audience vous ont été adressées à vous ainsi qu'à vos prédécesseurs, des milliers de plaintes, des milliers de requêtes ont été adressées à votre ministère, pas de réponse, jamais de réponse...» ont-il écrit dans leur demande en s'interrogeant: «Pourquoi refusez-vous de nous faire face? C'est une question que l'on vous pose Monsieur le ministre, avez-vous peur de nous? Avez-vous peur de ces vieilles mamans fanées, fatiguées et malades, qui par temps de pluie ou sous un soleil ardent sortent dans la rue pour faire entendre leur voix? Mais les entendez-vous?» Sur un ton pathétique, ils ajoutent dans leur demande d'audience: «La seule et unique arme que nous possédons, ce sont les portraits de nos enfants disparus, qui croupissent dans des mouroirs isolés du monde,» avant d'appeler le ministre à «la raison», dans la même demande et avec le même ton en écrivant notamment: «Regardez la vérité en face, regardez ces mères meurtries par le chagrin et le désespoir. Faites fonctionner la justice. Soyez juste et loyal devant Dieu et devant nous, les familles de disparu(e)s.» Cette demande d'audience intervient une semaine après le sit-in organisé par ces familles pour rencontrer le ministre de la Justice et empêché par les forces de l'ordre. Ni la concorde civile ni l'instauration de la commission des droits de l'homme présidée par Ksentini n'ont pu clore ce dossier qui traîne en longueur. C'est d'ailleurs toute la problématique des droits de l'Homme, de l'Etat de droit et de la justice algérienne qui se trouve suspendue à ce dossier. La plaie est ouverte et ce dossier constitue l'un des plus épineux dossiers de la décennie noire. Il est évident que les autorités algériennes ont très mal traité le dossier qui est en passe de devenir carrément un tabou. Les familles de disparus ont le droit de savoir et de connaître le sort de leurs enfants d'autant plus qu'on se revendique d'un Etat de droit. Le ministre de la Justice, Mohammed Charfi, a indiqué il y a quelques mois que la réforme de la justice est en train de s'effectuer et tous les textes prévus pour cette réforme sont mis en oeuvre.«Dire qu'il y a des blocages dans la réforme de la justice me surprend», a-t-il déclaré. Le président de la Commission nationale consultative pour la protection des droits de l'homme (Cnppdh), Farouk Ksentini, lui, n'a pas ménagé la justice algérienne: «Des magistrats n'appliquent pas volontairement les recommandations de la commission Issad, la réforme de la justice subit des blocages et la détention préventive fait des ravages dans notre pays», avait-il déclaré lors de son passage au forum d'El-Moudjahid.