L'humoriste heureux de jouer en Algérie Si l'on n'écoutait pas attentivement la «plaidoirie» de Dieudonné et surtout ne lisait pas entre les lignes, on peut facilement arriver à conclure que l'humoriste est antisémite! Dieudonné est tout sauf ça. Son jeu consiste à pousser l'absurdité jusqu'à ses ultimes extrémités pour faire tomber les certitudes pavloviennes ancrées dans nos cerveaux sous la domination obsessionnelle des médias et ses avatars subliminaux. L'on est d'emblée prévenu. «Ce spectacle est particulièrement délicat. En France c'est chaud, ici ça ne choque personne.» Après le franc succès remporté par l'humoriste français lors du spectacle Sandrine en juin 2010, Dieudonné remet ça en se produisant, jeudi soir, au grand chapiteau de l'hôtel Hilton Alger dans une salle archicomble. Il nous est revenu avec force et fracas pour narrer les incroyables événements qui l'ont conduit à rencontrer le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, «La seule voix dissonante qui a osé se prononcer sur le 11 septembre». Dieudonné M'bala qui se définit comme un «humoriste révolutionnaire» a un penchant pour les termes grandiloquents qu'il se plaît à tourner en dérision pour faire jaillir au yeux du monde, - plutôt à ces populations «infréquentables» chez qui il se produit désormais, après avoir été banni en France - la face hideuse de l'autre. Plutôt à dénoncer ce qui tourne mal dans nos sociétés. Evoquant la liberté d'expression, Dieudonné parle à juste titre de «la haine de l'autre», de crime, ainsi que de la «Shoah». Ses mots font mal. Ça dépend pour qui, cela. sonne comme un boomerang. Ça fuse. Ça tacle. On le croirait en train de se moquer. Mais il faut bien suivre sa logique. Un peu sarcastique, il ajoute s'être converti au judaïsme pour rester dans le milieu du showbiz. Dieudonné énonce par la suite un autre concept celui du «révisionnisme». Il dénonce l'histoire officielle qui est écrite d'après lui par «le vainqueur», «le voleur», «le menteur». «L'histoire est là pour légitimer le pouvoir en place». Par des mots, parfois assassins, un tantinet moralisateur, Dieudonné lâche à la fin: «Je crois aux chambres à gaz, C'est obligé en France!». Mais là n'est pas la question comprendrons-nous. «Ici, je peux m'exprimer, en France, je suis passé de gentille banane à l'islamo-fasciste bamboula. Je ne passe plus dans les émission télés et je m'en fout, mais cela m'a permis de voyager, venir en Algérie, aller à Damas, où j'ai rencontré Hugo Chavez, (...) mais aussi le chef du Hezbollah...» Dans un humour truculent, Dieudonné évoque la cause palestinienne, le parti Hamas mais aussi cette expression qui fait sourire: «Guerre propre et préventive» des Israéliens au Liban... «Le tout entrant dans le cadre de la convention de Genève». Une sorte de paradoxe effrayant mais consenti. «Le courage, c'est de fermer sa gueule!» dit-il. L'humoriste «révolutionnaire», qui ne mâche pas ses mots, part effectivement en guerre contre cet axe qui «nous veut du bien» dans le monde. Par les mots et leur sens profond, même sérieux, arrive ce rire salvateur et cathartique, à l'image du film Bamako de Abderrahmane Sissako, c'est bel et bien le procès de l'autre qui est mis en avant. En contre-emploi, Dieudonné pousse les idées reçues dans leurs derniers retranchements et donne de l'absurde nimbé de «mensonges» à la pelle puisque c'est lui qui règne en maître sur l'univers, nous fait-il savoir. La vérité est ailleurs. Seul «le mensonge compte» sur terre. Dieudonné est là pour nous le rappeler en des tournures de phrases parfois toutes faites mais qui font mouche à tous les coups! Sa bête immonde n'est autre que Bernard Henri-Lévy dit «BHL» et la bêtise incarnée, selon lui, par Sarkozy. El Gueddafi est, à côté du président G.W Bush, un ange», avait-il fait remarquer lors d'un point de presse, la semaine dernière. Toutefois, pour nuancer, celui qui soutient mordicus le peuple libyen, n'aime pas l'Otan et ses sbires et ne rate personne. C'est ce que l'on appelle de l'humour vache, qui cache un profond malaise, celui d'un amoureux né de la justice qui rêve de recouvrer un jour ses droits tout comme l'esclavagisme fut aboli, alors qu'il n'était qu'un rêve à l'époque «Martin Luther King». Le rêve de Dieudonné est qu'on reconnaisse enfin ce qu'a été l'esclavagisme et ses crimes contre l'humanité au même titre que la Shoah. «La notion de crime contre l'humanité est née en 1946 à Nuremberg, avant, il n'y avait rien! L'esclavagisme, la Guerre d'Algérie, c'était de la délinquance! Je ne suis pas antisémite au cas où vous le pensez» ne cesse-t-il de répéter «.De qui devrais-je avoir honte? De ma race?». Au final, la méchanceté de Dieudonné sur scène n'a d'égal que son combat qui consiste à nous rappeler incessamment cette injustice de l'autre qui lui dénie une reconnaissance, mieux encore une entité humaine égale et une souffrance mémorielle légitime. Son sketch où il fait remonter le temps et nous transporte au XVIe siècle dans une plantation en Martinique afin de nous parler des rapports courtois qu'entretenaient les maîtres et leurs esclaves est criante de vérité. Transposé dans le temps actuel, un animateur de télé -au nom qui rappelle étrangement celui de Marc Olivier Fogiel - sur une chaîne télé propriété de «BHL» a pour invité un esclavagiste et son esclave. Un échange de propos s'ensuit. Ahurissants. Désopilants Honteux! Parfois l'on n'arrive pas à rire tant le sujet est gravissime, mais Dieudonné a l'art de détendre l'atmosphère. Bien sûr, l'humour c'est son métier, fût-il grinçant, même si certains hommes politiques tendent à lui voler la vedette, rigolos comme il le dit si bien. Dieudonné finit par nous parler de la médecine toute puissante et vénérée. Un sketch jugé par la plupart un peu hors sujet et qui aurait gagné à être coupé au «montage».