Il fut un temps - 1993-1997 - où la coopération algéro-pakistanaise en matière de renseignement et de sécurité aurait été des plus bénéfiques pour les autorités algériennes. Les va-et-vient que les fondamentalistes actifs algériens faisaient entre les deux pays étaient, à ce point, importants pour inciter les services spéciaux pakistanais à faire un geste positif envers Alger. Mais ce ne fût jamais le cas. Si, aujourd'hui, on se félicite des accords passés entre les deux pays en matière d'extradition judiciaire, il faut dire qu'il n'y a pas de quoi se réjouir outre-mesure. Le peu d'islamistes algériens, qui sont encore au Pakistan, constitue ce qu'on appelle du «toc», c'est-à-dire des islamistes qui ont, pour la plupart, décroché des formes actives de l'islamisme militant pour verser dans les affaires, pour s'occuper carrément de leurs familles, ou pour y terminer des cursus théologiques. Selon des sources sûres, le peu d'Algériens encore en vue au Pakistan, «au nombre de vingt-sept», précise-t-on, n'ont pas des liens solides avec le GIA ou le Gspc, les deux principales organisations encore actives en Algérie. Tout au plus, «il s'agit de sympathisants avec des sectes soufies ou avec des groupes islamistes qui n'ont aucune attache avec ce qui se passe dans notre pays», précise la source. Il est tout à fait clair que les autorités pakistanaises peuvent aider l'Algérie à travers les fiches de police, qui indiqueraient quelles avaient été les destinations des principaux activistes qui ont quitté Islamabad avant et au lendemain des événements du 11 se- ptembre 2001. Les services spéciaux pakistanais qui, dans le même temps, collaboraient avec les Etats-Unis, aidaient les talibans, facilitaient la circulation des islamistes étrangers, notamment les Algériens, sont arrivés aujourd'hui à des impasses. Le régime de Parvez Musharraf peut être déboulonné à tout moment pour peu que les jeux d'équilibre (précaires, du reste) dont il use avec les islamistes locaux perdent le contrôle de la situation. L'ISI pakistanais, service de renseignement, très proche des islamistes de tout le vaste monde oriental, a beaucoup perdu de sa crédibilité après avoir été éclaboussé, par plusieurs affaires, justement, de manipulations d'islamistes étrangers. On a beaucoup exagéré sur le nombre d'Algériens qui ont transité par le Pakistan avant d'intégrer les camps afghans, dès la moitié des années 80. On a parlé de 15000, 12000 et 9000. On sait que les facilités permises par les pays hôtes de transit étaient dans l'air du temps, et il n'est pas dit que, demain, si une forte émergence de l'islamisme s'opère, les mêmes attitudes ne se reproduiront pas. En fait, cette coopération sécuritaire version 2003 vient un petit peu en retard pour soulever l'engouement des tenants de la sécurité intérieure en Algérie. Même si l'on fait semblant de s'en réjouir...