Contrairement aux habitudes, la Grande-Poste n'affiche pas grande foule en ce premier jour de Ramadhan. La scène est inhabituelle. Juché sur une échelle métallique installée près du guichet, un ouvrier repeint grossièrement le mur et ne semble pas se soucier de la présence de la préposée qui est obligée de changer de place pour ne pas recevoir le bidon de laque en pleine figure. Un second ouvrier ayant déployé son échelle à quelques mètres de là, a tenté, à l'aide d'une raclette, d'étendre une mince couche d'enduit sur le mur avant de passer à la peinture. La recette de la Grande-Poste d'Alger à l'air d'un chantier en ce premier jour de Ramadhan. L'odeur de la peinture indispose tout le monde. Fort heureusement, il n'y a pas beaucoup de gens qui se pressent devant les guichets. Ce sont plutôt les agents qui font grise mine parce que, estiment-ils, ce n'est pas pendant les heures de travail et aux heures d'affluence qu'on procède à des travaux, aussi petits fussent-ils. La préposée au guichet «retrait à vue» est apparemment gênée, mais elle essaie de faire contre mauvaise fortune bon coeur. «Ce n'est pas tant la présence des peintres, mais plutôt l'odeur de la peinture et le risque de revoir le pot sur la tête qui me gêne», explique-t-elle. Selon un autre agent rencontré sur place, les travaux ont été ordonnés à la dernière minute et la plupart des employés n'étaient pas au courant. Les usagers tiennent un autre discours. Bien qu'indisposés par ce remue-ménage et les relents de peinture, ils sont très contents de ne pas trouver beaucoup de monde. Pour ce sexagénaire venu effectuer un retrait, le fait de trouver peu de monde à la poste a été une véritable aubaine. «J'appréhendais les longues files d'attente, particulièrement en ce premier jour de Ramadhan. Grande fut ma surprise lorsque je n'ai trouvé que deux personnes devant les guichets», dit-il. La poste de Port Saïd semble, elle aussi, avoir été désertée par les clients. Habituellement, elle est pleine de monde et les gens sont parfois obligés d'attendre plus d'une heure pour être payés. Le ticket que nous avons retiré du distributeur affiche le numéro 36. Cinq minutes. C'est le temps qu'il aura fallu attendre avant que le préposé ne l'annonce à voix haute et passe au numéro suivant. Une remarque cependant: les gens qui veulent s'acquitter de leurs redevances téléphoniques ou payer la facture d'eau doivent également retirer un ticket du distributeur. «Ce n'est pas normal», réclame un abonné qui ajoute: «Je ne suis pas venu pour retirer de l'argent, mais pour payer la facture d'eau. Je croyais qu'on avait allégé la procédure en nous permettant de le faire à partir de la poste.» Un autre a carrément injurié l'agent qui lui avait réclamé le ticket du distributeur. «Pour une demande, vous devez retirer le ticket et attendre», alors que les guichets sont vides. «Pourquoi toutes ces lourdeurs qui vous découragent et vous mettent hors de vous?» lance-t-il.