Les habitants de la cité demandent l'arrêt des travaux en attendant que la justice statue. Barricades, jeunes encagoulés, un énorme dispositif sécuritaire: un décor pas vert pour un jardin. La cité Bois des Pins à Hydra (Alger) offre à ses visiteurs un décor apocalyptique. Hier, un calme précaire y régnait. Mais ce décor, quoique les travaux sont suspendus, est désolant. La veille, des affrontements entre les habitants et les forces de l'ordre ont duré jusqu'à 20 heures. Cet énième affrontement intervient après une série d'autres émeutes cycliques et ce, depuis le 10 juillet dernier. Depuis cette date de début d'un chantier de construction de ce qui est présenté comme un parking automobile érigé dans un espace vert qui abrite des arbres centenaires, cette cité s'est transformée en véritable poudrière, en état de siège permanent. Barricades, fumées se dégageant de toutes sortes d'objets brûlés, des jeunes encagoulés prêts à en découdre avec les policiers, un dispositif sécuritaire énorme quadrillant la cité, un jardin massacré et, pour couronner le tout, des égouts à ciel ouvert. Voilà ce à quoi est réduite la cité. Ce qui était un jardin est devenu un espace livré aux eaux usées. «On était dans un véritable havre de paix», se désole un citoyen rencontré sur place. Dans l'après-midi, les policiers ont demandé aux citoyens d'enlever les barricades, les assurant que les travaux ne reprendront pas, mais les habitants ont refusé car «il s'agit d'une assurance fragile». «Nous maintiendrons le cap», nous a affirmé le porte-parole du Comité des sages de la cité, Abdelghani Henni. Le 10 juillet dernier, des affrontements d'une rare violence ont opposé les habitants qui veulent préserver cet espace vert aux forces de l'ordre. Des dizaines de blessés étaient enregistrés et plusieurs interpellations ont été opérées. Depuis, c'est le cauchemar au quotidien. Les habitants de la cité demandent l'arrêt des travaux en attendant que la justice statue. «Cet espace appartient aux habitants de la cité. On a droit à des réparations si la justice statue en notre faveur et si les travaux continuent», nous lance le porte-parole du comité des sages. Ce dernier se désole, toutefois, qu'aucune réparation ne pourra compenser les arbres centenaires arrachés. Mais en attendant, la maffia du foncier et du béton sévit. Et une course contre la montre est engagée en attendant la décision de la justice. Notre interlocuteur nous a informés que «la maffia du tuf charge plusieurs camions par jour». Aussi, les habitants dénoncent un camouflage de taille: le projet ne concerne pas un parking mais un centre commercial. Abdelghani Henni nous a également révélé que les habitants de la cité Bois des Pins ont déposé quatre plaintes contre la wilaya d'Alger et la mairie de Hydra. Deux de ces plaintes sont déposées en référé et les deux autres en pénal, toutes introduites auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs. La première sur le fond porte sur la légalité des travaux ainsi que sur la propriété du terrain, bien indivisible des habitants propriétaires. La deuxième plainte en référé a pour but de stopper immédiatement les travaux jusqu'au jugement de fond comme le stipule la loi. L'audience concernant cette dernière plainte a été reportée à deux reprises (25 juillet et 1er août 2011) par le tribunal administratif de Bir Mouard Raïs. La prochaine audience est prévue pour ce 8 août. Une troisième plainte à été déposée au tribunal pénal de Bir Mourad Raïs contre la police pour violences, agressions et destruction de bien d'autrui. La quatrième concerne la non-réparation des conduites des égouts après les avoir crevées lors des travaux. Le procès des 11 personnes interpellées lors des émeutes du 10 juillet, «pour avoir défendu l'arbre» se tiendra le 6 octobre prochain. Au moment où nous échangeons des discussions avec les habitants, la moudjahida Fatma Ouzegane est arrivée sur les lieux. Irritée par ce chantier anti-écologique et la répression qui s'est abattue sur les habitants, la moudjahida lance: «Pas question de continuer à bastonner les Algériens. Qu'ils laissent le peuple tranquille après avoir livré le pays à la merci de la maffia.» «C'est la première fois, en Algérie, que des habitants, honnêtes citoyens, se dressent massivement pour s'opposer à la destruction d'arbres plus que centenaires pour préserver leur cadre de vie», écrit le Comité de la cité dans un communiqué. Dans leur combat contre ce projet, les habitants de la cité Bois des Pins ont bénéficié de soutiens de marque et non des moindres. Les comités de quartier des cités d'Hydra et de Bir Mourad Raïs, La Concorde, Cité Sellier, Comité du Hoggar, des habitants d'Hydra, de Bir Mourad Raïs, des médecins, des intellectuels, des femmes, des commerçants, des habitants de Bab el Oued, de Saïd Hamdine, de Belouizdad, d'El Madania, d'El Harrach. etc. Des membres du RCD et de la Laddh ont assisté aux deux audiences au tribunal de Bir Mourad Raïs et soutiennent la cause des habitants. A côté de ces soutiens se dressent six moudjahidate et non des moindres. Il s'agit de: Djamila Bouhired, Fatouma Ouzegane, Louisette Ighilahriz, Zoulikha Bekadour, Malika Ousliha et Louisa Ouzarene.