Le maréchal Hussein Tantaoui qui a fait savoir qu'il était prêt à témoigner s'il était convoqué, veut restaurer la confiance en l'armée auprès du peuple égyptien. Jusqu'à la dernière minute, l'écrasante majorité des Egyptiens, en particulier les jeunes militants pro-démocratie à l'origine du soulèvement et de la chute de l'ancien régime, ne croyait pas à la présence de Moubarak. La comparution de Hosni Moubarak dans le box des accusés a permis à l'armée égyptienne de rétablir sa crédibilité après avoir été critiquée ces derniers mois pour la lenteur des réformes, mais la période transitoire qu'elle dirige reste semée d'embûches, selon des analystes. Jusqu'à la dernière minute, l'écrasante majorité des Egyptiens, en particulier les jeunes militants pro-démocratie qui ont lancé le soulèvement à l'origine de la chute de l'ancien régime, ne croyait pas à la présence de l'ex-président dans la salle d'audience. Beaucoup accusaient l'armée de ne pas vouloir qu'un ancien chef de l'armée de l'air comparaisse devant un juge. Mais la présence de M.Moubarak dans le tribunal a redonné aux Egyptiens confiance dans les militaires qui les gouvernent depuis la démission de l'ex-président le 11 février. Même si beaucoup continuent de croire que l'armée ne cède aux revendications populaires que sous la pression. Des centaines de milliers d'Egyptiens étaient descendus place Tahrir le 8 juillet pour exiger une accélération des réformes et la purge des institutions de l'Etat des symboles de l'ancien régime, surtout le ministère de l'Intérieur, ainsi qu'un jugement rapide de M.Moubarak. Ce procès «a rassuré le peuple égyptien sur le fait que la justice suit son cours et qu'aucun criminel ne restera impuni, quel que soit son poste», a estimé dans un communiqué Saad el-Katatni, le secrétaire général du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), issu des Frères musulmans interdits sous le régime Moubarak. «Poursuivre sur cette ligne est susceptible d'établir la confiance entre le peuple et le pouvoir (l'armée) durant cette période, et il faut renforcer cette confiance car elle sera une entrée vers le début de la période de construction et de développement», a-t-il ajouté. Mais le procès de M.Moubarak n'a pas apaisé les craintes des forces libérales et de gauche - appelées forces laïques - qui ont peur que l'armée ne favorise les islamistes pour diriger la transition à sa guise. «Le peuple est fier d'avoir forcé Moubarak à s'asseoir dans le box mais je crains qu'on ne paie cher sa comparution devant le tribunal», affirme ainsi le rédacteur en chef du quotidien indépendant al-Tahrir, Ibrahim Eissa, s'exprimant dans les colonnes du journal. M.Eissa dit aussi craindre que «ceux en charge des affaires du pays ne fassent passer de mauvaises lois et des décisions ne faisant pas consensus en répondant à toute critique: «que voulez-vous de plus, n'avons-nous pas jugé Moubarak?». «Le procès est le premier signe indiquant que le Conseil militaire traite ce qui se passe comme une révolution», estime l'analyste Emad Gad, du Centre Ahram d'études politiques et stratégiques du Caire. Selon lui, les militaires ont jusqu'ici considéré le soulèvement comme un mouvement pro-réformes, ne visant qu'à stopper un plan présumé de M.Moubarak de transmettre le pouvoir à son fils Gamal. «Il s'agit d'un pas important qui donne du poids aux forces laïques face aux forces islamistes que (les militaires) ont tenté d'utiliser pour appuyer le Conseil militaire, enclin à éviter un procès à Moubarak», ajoute-t-il. Les islamistes ont organisé vendredi dernier une manifestation de masse, la plus grande depuis la chute de Moubarak, pour s'opposer à une décision de l'armée d'imposer des principes supra-constitutionnels. Les islamistes pensent qu'ils vont remporter la part du lion lors des législatives prévues en novembre et qu'ils pourront ensuite dominer l'assemblée chargée d'élaborer une nouvelle Constitution. «Je crois que le procès de Moubarak va rendre sa crédibilité au Conseil militaire», estime Amr Choubaki, un autre analyste du Centre Ahram. «Mais il n'a pas résolu les gros problèmes actuels liés à la gestion de la période de transition, à la réforme du ministère de l'Intérieur et au renforcement de l'indépendance de la justice», conclut-il. Le maréchal Tantaoui prêt à témoigner s'il est convoqué Le maréchal Hussein Tantaoui, chef d'Etat de facto de l'Egypte, est prêt à témoigner au procès du président déchu Hosni Moubarak si les avocats de la défense le font convoquer, a-t-on appris jeudi auprès d'un haut responsable de la sécurité. Farid al-Dib, l'avocat de M.Moubarak, qui comparaît, notamment pour meurtre, a demandé au juge, à l'ouverture du procès mercredi, de convoquer 1600 témoins parmi lesquels le maréchal Tantaoui, ministre de la Défense de Hosni Moubarak pendant 20 ans et le chef des armées Sami Anan. «Il est très probable que le maréchal se présente si la cour réclame sa présence», a déclaré le responsable sous couvert d'anonymat. La demande de comparution du maréchal comme témoin a été interprétée par certains comme une menace implicite du président déchu, visant à embarrasser M.Tantaoui, dont beaucoup pensent qu'il a personnellement signé la décision de poursuivre l'ancien président en justice. «Il semblerait que la défense de M.Moubarak mise sur la possibilité de convoquer Tantaoui, Anan et les anciens gouverneurs» (de Charm el-Cheikh), a déclaré Elijah Zarwan, spécialiste de l'Egypte au sein de l'International Crisis Group. «Dans le passé, M.Moubarak, qui était au centre d'un régime dictatorial, était au courant de tous les secrets. Dieu seul sait quelles questions embarrassantes il pourrait poser aux hauts responsables militaires», a-t-il ajouté. Le responsable a pour sa part exclu que M.Moubarak tente d'«impliquer avec lui les généraux». «Il est logique qu'il demande leurs témoignages», a-t-il dit, car les militaires ont été appelés dans les rues le 28 janvier, après que des manifestants ont brûlé des postes de police à travers le pays. L'armée, au pouvoir depuis la chute le 11 février de l'ancien raïs, était notamment accusée de tarder à juger l'ancien dirigeant. L'ouverture mercredi du procès de M.Moubarak semble pour le moment avoir restauré la crédibilité de l'armée. «C'était dur, personnellement, et pour le moral» de voir un héros de guerre comme M.Moubarak dans la cage, a déclaré le responsable. «Mais je dois réfléchir avec ma tête. Il y a eu de la corruption et il était responsable du pays», a-t-il poursuivi.