«Un prix du baril compris entre 90 et 100 dollars est raisonnable...» Les recommandations du chef de l'Etat pour une diversification de l'économie nationale, en situation de quasi-dépendance par rapport aux exportations en hydrocarbures, trouvent toute leur signification. Alors que la facture des importations connaît une explosion sans précédent et que le déficit budgétaire doit se creuser de près de 34%, les cours de l'or noir, dont les exportations représentent près de 98% des recettes en devises de l'économie algérienne, ont dégringolé de près de 11 dollars en l'espace de cinq jours. Coïncidence ou signe du hasard? C'est au lendemain de l'audition du ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, par le président de la République, que le baril de pétrole a dévissé de plus de 5 dollars à New York. Résultat des courses: le baril de «Light Sweet Crude» termine la semaine très en dessous de la barre des 90 dollars. Sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de pétrole pour livraison en septembre a clôturé la semaine à 86,63 dollars. Pour rappel, les cours de l'or noir titillaient la barre symbolique des 100 dollars il y a à peine une dizaine de jours. Simple alerte ou sérieux avertissement pour le marché pétrolier? Pour l'Algérie, la question ne doit pas se poser. Son économie inféodée aux seules exportations de l'or noir est devenue un fardeau trop lourd à porter. A l'issue de l'audition du ministre de l'Energie, mercredi dernier, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika a souligné l'impérieuse nécessité de la diversification de l'économie nationale, afin d'atténuer «les effets de notre dépendance à l'égard des hydrocarbures et des fluctuations des cours internationaux...» Des propos qui allaient s'avérer prémonitoires puisque les cours du brut allaient connaître le lendemain (jeudi), une baisse de 5,30 dollars. Un nouveau coup de semonce renforcé par les chiffres du rapport de l'Opep rendus publics, le 21 juillet 2011, qui montrent que l'Algérie est en train d'épuiser ses réserves de pétrole. Depuis 2006 les réserves prouvées du pays, qui s'élevaient à 12,2 milliards de barils sont restées quasiment inchangées. Il est évident que l'Algérie ne peut se permettre le luxe d'affronter un éventuel effondrement des prix du pétrole dans la conjoncture actuelle. Les conséquences seraient désastreuses malgré la fabuleuse manne financière (de plus de 170 milliards de dollars) que représentent les réserves de change. Le cauchemar de 2008 n'est pas une simple vue de l'esprit. Après avoir dépassé les 147 dollars en juillet 2008, les cours de l'or noir sont tombés à moins de 33 dollars en décembre de la même année. Certains spécialistes y font référence en cas de crise économique grave. La dette grecque pourrait lui servir de détonateur. Si l'on doit, en plus de cela, tenir compte des derniers chiffres livrés par le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis), on peut estimer sans sombrer dans l'alarmisme que le danger est double. Le constat est implacable. «Les importations algériennes de produits alimentaires ont enregistré durant le 1er semestre 2011 une progression de plus de 59%, tirées à la hausse essentiellement par les céréales dont les achats ont augmenté de plus de 99% à 2,04 milliards de dollars», avaient indiqué, le 24 juillet 2011, les Douanes algériennes dans un communiqué répercuté par une dépêche de l'APS. Les importations des produits alimentaires avaient augmenté de 31,9% au 1er trimestre 2011 par rapport à la même période en 2010. Ce qui se traduit par une hausse exponentielle de la facture des importations qui a atteint 23,29 milliards de dollars à l'issue des six premiers mois de 2011 contre 20,05 milliards de dollars au cours de la même période en 2010, soit une hausse de 16,14%, indiquaient les chiffres communiqués par le Centre national de l'informatique et des statistiques, le 20 juillet 2011. Un boulet pour l'économie algérienne, qui ne peut être supporté que grâce à des prix exceptionnels du baril de pétrole. «Un prix du baril compris entre 90 et 100 dollars est raisonnable...», avait estimé Youcef Yousfi, le ministre de l'Energie, lors d'un point de presse tenu à l'occasion du 50e anniversaire de la création de l'Opep. Une fourchette d'où est sorti le baril. Les feux virent à l'orange pour l'Algérie.