Accablé par les problèmes (personnels et du pays) M. Berlusconi n'arrive pas à retrouver un second souffle depuis deux échecs successifs avant l'été Une «lettre secrète» envoyée par la BCE à Silvio Berlusconi pour dicter ses conditions au soutien à la dette italienne faisait polémique, hier en Italie. L'opposition accuse le Cavaliere d'avoir placé le pays sous «tutelle» des puissances étrangères. La lettre, révélée hier par le journal Il Corriere della Sera, dresse la liste de mesures (libéralisation, privatisation des sociétés municipales gérant déchets, transport ou distribution d'électricité, et réforme du marché du travail) que le gouvernement doit adopter «au plus vite» en contrepartie du soutien de la Banque centrale européenne à la dette italienne. Selon le Corriere, la missive signée par le gouverneur Jean-Claude Trichet et son successeur désigné Mario Draghi suggère même à M. Berlusconi les outils législatifs à utiliser: des décrets gouvernementaux plutôt que des projets de loi dont le vote au parlement est plus long. L'opposition de gauche a exigé des éclaircissements du gouvernement. «Que nous demandent vraiment la BCE et les institutions internationales? Un gouvernement impuissant, totalement discrédité et désormais sous tutelle doit au moins dire quelle est la situation réelle», a déclaré, à la presse, le chef du Parti démocrate (PD, gauche), Pierluigi Bersani. L'ex-commissaire européen Mario Monti, personnalité appréciée à droite et à gauche, avait ouvert la série des critiques dimanche en estimant dans un éditorial du Corriere della Sera que l'Italie était dirigée par un «podestat étranger». Pour cet économiste, l'Italie a perdu sa «dignité», sa classe politique est «déclassée», le «temps perdu» à sous-estimer les problèmes se traduit par une cure d'austérité plus sévère et la croissance va être «pénalisée» car «les décisions imposées par les marchés et l'Europe feront prévaloir la stabilité sur la croissance». Après une semaine de chute de la bourse de Milan et de montée en flèche des taux obligataires, le gouvernement a annoncé par surprise, vendredi soir, une anticipation de l'équilibre budgétaire à 2013 au lieu de 2014. Mercredi, l'exécutif doit rencontrer les partenaires sociaux, et les nouvelles mesures d'économies seront présentées jeudi au Parlement qui, exceptionnellement, ne fermera pas ses portes au mois d'août. Pour Guido Compagna, éditorialiste politique du site d'informations économiques Firstonline.info, la déclaration franco-allemande de dimanche et les annonces de soutien de la BCE prouvent que «le gouvernement italien a été de facto mis sous tutelle de ceux qui comptent en Europe». Silvio Berlusconi accepte cette situation «à contrecoeur car il y voit la seule possibilité pour son gouvernement de durer, si possible jusqu'à la fin de la législature», selon l'expert. Sur le plan politique, M. Berlusconi n'arrive pas à retrouver un second souffle depuis deux échecs successifs avant l'été, aux municipales et lors de référendums, et en raison de scandales de corruption frappant sa majorité. «Il n'y a aucune mise sous tutelle de l'Italie», qui est uniquement «soumise (...) à un contexte économique et financier très difficile», a rétorqué hier Fabrizio Cicchitto, chef de file des députés du PDL, le parti de M. Berlusconi. Umberto Bossi, chef de la Ligue du Nord et allié-clé de M. Berlusconi a jugé «positif» que l'Italie soit «conditionnée par l'Europe et la BCE» car «pendant trop longtemps le pays a vécu au-dessus de ses moyens». Pour Carlo Maria Pinardi, professeur à la prestigieuse université Bocconi, «l'Italie a toujours eu besoin de voir le bord du gouffre pour se mettre à réagir» et «la faiblesse du gouvernement a contribué à la détérioration économique et financière du pays, nécessitant des pressions extérieures plus fortes».