Pour la première fois, un dirigeant palestinien est reçu par le président républicain George W.Bush. Difficile est la mission du Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, qui se rend pour la première fois aux Etats-Unis pour rencontrer le président américain, George W.Bush. Difficile du fait qu'il lui faut d'abord convaincre les Américains à s'engager de manière plus pugnace qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici, d'autant que le lobby pro-israélien demeure très puissant et vigilant et a toujours constitué le frein à toute avancée des processus de paix paralysés, par ailleurs, par l'irrédentisme israélien. Aussi, la question qui se pose est de savoir de quelle marge de manoeuvre dispose réellement le président Bush pour, à tout le moins, concrétiser sa profession de foi, lorsqu'il déclarait le 10 novembre 2001 devant l'Assemblée générale de l'ONU: «Nous travaillons pour arriver au jour où deux Etats, Israël et la Palestine, vivront ensemble en paix dans des frontières sûres et reconnues, comme demandé par les résolutions du Conseil de sécurité.» Ce qui constituait un bon départ et incitait à suivre la suite des événements. Cette déclaration du président Bush et celles qui ont suivi tout au long de ces deux années ont laissé croire qu'enfin les Etats-Unis allaient prendre le taureau par les cornes et mettre tout leur poids en jeu pour trouver une solution définitive et équitable à un conflit qui perdure depuis 55 ans. Or, le deux poids deux mesures plus que jamais à l'ordre du jour, le président Bush aura surtout concentré ses pressions sur les Palestiniens pour les amener à souscrire au diktat israélien, et à boycotter le président palestinien, Yasser Arafat, régulièrement élu par le peuple palestinien, mais marginalisé par les Israéliens qui ont tenté, en vain jusqu'ici, de l'éliminer politiquement des enjeux de la paix au Proche-Orient. Déjà en prenant à son compte les prétentions de Sharon de mettre «caduc» Arafat, George W. Bush épouse l'extrémisme israélien qui met à mal la neutralité attendue d'un arbitre qui dit avoir à coeur d'arriver à une solution pragmatique du contentieux proche-oriental. M.Bush qui continue à qualifier les résistants palestiniens de «terroristes» n'a fait en réalité que conforter les Israéliens dans leurs positions jusqu'au-boutistes, rendant difficile toute application sensée de la «feuille de route». De fait, il y a comme un recul dans les engagements de M.Bush, engagements quelque peu battus en brèche par les déclarations de son secrétaire d'Etat, Colin Powell, qui a douté hier au Caire, parlant de la «feuille de route», qu'un Etat palestinien soit créé d'ici à 2005, comme le conçoit le plan de paix international. «Je pense que ce serait difficile (la création de l'Etat palestinien), quoique toujours possible», a estimé M.Powell. Les propos de M.Powell nuancent ainsi grandement ceux du chef de l'administration américaine, ce qui remet à l'esprit que les Américains sont entrés en pleine phase préélectorale de la présidentielle de 2004 et, dès lors, on peut supposer que le chef de la Maison-Blanche qui brigue un second mandat ira «mollo» avec les Israéliens et Sharon plus que jamais décidé à saboter tout processus de paix qui n'entre pas en phase avec les prétentions israéliennes. De fait, les Israéliens n'ont jusqu'ici fait aucun effort qui puisse montrer leur détermination à travailler dans la transparence avec les Palestiniens. Bien au contraire Sharon exige des Palestiniens le démantèlement des groupes de résistance quand dans le même temps, il ordonne la poursuite de la répression, les démolitions de maisons, la chasse aux chefs palestiniens. En outre, la construction «d'un mur de sécurité», tout le long de la Cisjordanie, rejetée par la communauté internationale et même par Washington, se poursuit au mépris des résolutions de l'ONU et du droit international. Les Israéliens ont toujours recherché le fait accompli et les administrations américaines n'ont jamais eu de volonté à faire pression sur les gouvernements israéliens, aussi, il est peu probable que M.Abbas qui va, notamment, réclamer au président Bush une pression accrue sur Israël soit écouté et encore moins entendu. Avant son départ pour Washington, Abou Mazen demandait que les Etats-Unis fassent pression sur Israël dans la perspective de mise en oeuvre de la «feuille de route» indiquant: «Les Etats-Unis devraient se demander qui ne respecte pas ses engagements et ne remplit pas ses obligations, (dans la cadre de la ‘'feuille de route'')», affirmant: «Actuellement, les progrès dans la marche sur la voie de la paix incombent vraiment aux Israéliens.» Du fait de la proximité de la présidentielle américaine, la rencontre à Washington, de M.Abbas avec le président Bush, prend de plus en plus les allures d'une mission impossible.